道 德 經
DÀO DÉ JĪNG


CH01CH02CH03CH04CH05CH06CH07CH08CH09
CH10CH11CH12CH13CH14CH15CH16CH17CH18
CH19CH20CH21CH22CH23CH24CH25CH26CH27
CH28CH29CH30CH31CH32CH33CH34CH35CH36
CH37CH38CH39CH40CH41CH42CH43CH44CH45
CH46CH47CH48CH49CH50CH51CH52CH53CH54
CH55CH56CH57CH58CH59CH60CH61CH62CH63
CH64CH65CH66CH67CH68CH69CH70CH71CH72
CH73CH74CH75CH76CH77CH78CH79CH80CH81


daodejing.org/39.html

ctext.org/dictionary.pl?if=en&id=11630

tao-te-king.org/39.htm

daoisopen.com/downloads/CC39.pdf

daoisopen.com/downloads/About the Charts.pdf

laozirecited.com/#39

nouveautestament.github.io/DAODEJING/index.html

github.com/nouveautestament/DAODEJING



WB--------------------------------------輿輿----
HSG--------------------------------------輿輿----
FY----------------------------輿輿----
MWDA----------------------------------------輿輿
MWDB------------------------------------------------------------輿輿祿祿
GD----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
YDDJ--------------------------------------------輿輿祿祿


zhī zhětiān qīng níngshén líng yíngwàn shēnghóu wáng wéi tiān xià zhēn zhì zhītiān qīngjiāng kǒng liè níngjiāng kǒng shén língjiāng kǒng xiē yíngjiāng kǒng jiéwàn shēngjiāng kǒng mièhóu wáng guì gāo jiāng kǒng jué guì jiàn wéi běngāo xià wéi shì hóu wáng chēng guǎ fēi jiàn wéi běn fēi zhì shù luò luò shí
anciennement ancien au début#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
qīngclair pur, propre pacifique#P #W #C #Z
Terre sol, sol région#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
níngrepos sérénité, paix pacifique#P #W #C #Z
shénesprit dieu, être surnaturel-#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
língesprit âme monde spirituel#P #W #C #Z
vallée gorge, ravin-#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
yíngremplir plein, débordant surplus#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
hóumarquis seigneur cible au tir à l'arc#P #W #C #Z
wángroi dirigeant royal; nom de famille#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
zhēnvertueux chaste, pur loyal#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
zhìenvoyer livrer, présenter  cause#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
qīngclair pur, propre pacifique#P #W #C #Z
jiāngvolonté aller, futur général#P #W #C #Z
kǒngpeur craintif, inquiet-#P #W #C #Z
lièfendre fissurer, ouvrir déchirer#P #W #C #Z
Terre sol, sol région#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
níngrepos sérénité, paix pacifique#P #W #C #Z
jiāngvolonté aller, futur général#P #W #C #Z
kǒngpeur craintif, inquiet-#P #W #C #Z
émettre expédier, envoyer, émettre-#P #W #C #Z
shénesprit dieu, être surnaturel-#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
língesprit âme monde spirituel#P #W #C #Z
jiāngvolonté aller, futur général#P #W #C #Z
kǒngpeur craintif, inquiet-#P #W #C #Z
xiēse reposer s'arrêter, se loger-#P #W #C #Z
vallée gorge, ravin-#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
yíngremplir plein, débordant surplus#P #W #C #Z
jiāngvolonté aller, futur général#P #W #C #Z
kǒngpeur craintif, inquiet-#P #W #C #Z
jiéfaites de grands efforts échappement-#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
jiāngvolonté aller, futur général#P #W #C #Z
kǒngpeur craintif, inquiet-#P #W #C #Z
mièéteindre anéantir, exterminer-#P #W #C #Z
hóumarquis seigneur cible au tir à l'arc#P #W #C #Z
wángroi dirigeant royal; nom de famille#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
guìcher chérir coûteux, précieux#P #W #C #Z
gāohaut grand élevé, élevé#P #W #C #Z
jiāngvolonté aller, futur général#P #W #C #Z
kǒngpeur craintif, inquiet-#P #W #C #Z
juétrébucher tomber bafouer#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
guìcher chérir coûteux, précieux#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
jiànmoyen faible bon marché, sans valeur#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
běnracine origine, source  base#P #W #C #Z
gāohaut grand élevé, élevé#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
fondation base-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
hóumarquis seigneur cible au tir à l'arc#P #W #C #Z
wángroi dirigeant royal; nom de famille#P #W #C #Z
soi privé, personnel depuis#P #W #C #Z
chēngappel nom, marque adresse; dire#P #W #C #Z
orphelin sans père solitaire#P #W #C #Z
guǎveuf seul, sans amis-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
maïs céréales, céréales chanceux#P #W #C #Z
ceci ceux-là  dans ce cas, alors#P #W #C #Z
fēiopposé négatif, non- opposer#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
jiànmoyen faible bon marché, sans valeur#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
běnracine origine, source  base#P #W #C #Z
utilisé en translittération--#P #W #C #Z
fēiopposé négatif, non- opposer#P #W #C #Z
particule finale interrogative ou exclamative--#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
zhìenvoyer livrer, présenter  cause#P #W #C #Z
shùnombre plusieurs compter; destin#P #W #C #Z
renommée réputation louer#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
renommée réputation louer#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
désirer vouloir, désirer avoir l'intention#P #W #C #Z
jade comme une pierre--#P #W #C #Z
jade comme une pierre--#P #W #C #Z
si en supposant comme si; comme, comme#P #W #C #Z
jade pierre précieuse, gemme-#P #W #C #Z
luòsorte de collier--#P #W #C #Z
luòsorte de collier--#P #W #C #Z
si en supposant comme si; comme, comme#P #W #C #Z
shípierre roche, minéral rad. 112#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 39

En harmonie avec le Tao,

le ciel est clair et spacieux,

la terre est solide et pleine,

toutes les créatures s'épanouissent ensemble,

satisfaites de ce qu'elles sont,

se répétant sans cesse,

se renouvelant sans cesse.

Lorsque l’homme interfère avec le Tao,

le ciel devient sale,

la terre s’appauvrit,

l’équilibre s’effondre,

les créatures s’éteignent.

Le Maître regarde les parties avec compassion,

car il comprend le tout.

Sa pratique constante est l'humilité.

Il ne brille pas comme un joyau

mais se laisse façonner par le Tao,

aussi rugueux et commun que la pierre.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XXXIX

以侯王自稱孤、寡、不穀。此非以賤為本耶?非乎?故致數譽無譽。不欲琭琭如玉,珞珞如石。


Voici les choses qui jadis ont obtenu l’Unité (1).

Le ciel est pur parce qu’il a obtenu l’Unité.

La terre est en repos parce qu’elle a obtenu l’Unité.

Les esprits sont doués d’une intelligence divine parce qu’ils ont obtenu l’Unité.

Les vallées se remplissent parce qu’elles ont obtenu l’Unité.

Les dix mille êtres naissent parce qu’ils ont obtenu l’Unité.

Les princes et rois sont les modèles (2) du monde parce qu’ils ont obtenu l’Unité.

Voilà ce que l’Unité a produit.

Si le ciel perdait (3) sa pureté, il se dissoudrait ;

Si la terre perdait son repos, elle s’écroulerait ;

Si les esprits perdaient leur intelligence divine, ils s’anéantiraient ;

Si les vallées ne se remplissaient plus, elles se dessécheraient ;

Si les dix mille êtres ne naissaient plus, ils s’éteindraient ;

Si les princes et les rois s’enorgueillissaient de leur noblesse et de leur élévation, et cessaient d’être les modèles (du monde), ils seraient renversés (4).

C’est pourquoi les nobles regardent la roture comme leur origine (5) ; les hommes élevés regardent la bassesse de la condition comme leur premier fondement.

De là vient que les princes et les rois s’appellent eux-mêmes orphelins, hommes de peu de mérite, hommes dénués de vertu.

Ne montrent-ils pas par là qu’ils regardent la roture comme leur véritable origine ? Et ils ont raison !

Cest pourquoi (6), si vous décomposez un char, vous n’avez plus de char (7).

(Le sage) ne veut pas être estimé comme le jade, ni méprisé comme la pierre.


NOTES.

(1) Sou-tseu-yeou : L’Unité, c’est le Tao. C’est du Tao que tous les êtres ont obtenu ce qui constitue leur nature. Les hommes de l’empire voient les êtres et oublient le Tao ; ils se contentent de savoir que le ciel est pur, que la terre est en repos, que les esprits sont doués d’une intelligence divine ; que les vallées sont susceptibles d’être remplies, que les dix mille êtres naissent, que les vassaux et les rois sont les modèles du monde. Mais ils ignorent que c’est du Tao qu’ils ont obtenu ces qualités. La grandeur du ciel et de la terre, la noblesse des vassaux et des rois, c’est l’Unité qui les a produites. Mais qu’est-ce donc que l’Unité ? Vous la regardez et ne pouvez la voir ; vous voulez la toucher et ne l’atteignez pas. On voit que c’est la chose la plus subtile du monde.


(2) J’ai rendu le mot tching par « modèle. » E : Les princes et les rois sont placés au-dessus des hommes. L’empire les révère et les prend pour modèles. H l’explique par tchang , « supérieur, chef. »


(3) E : L’expression thien-wou-i-thsing 天無以清[], littéral. « si le ciel n’avait pas de pureté, » signifie « si le ciel perdait son Unité, » c’est-à-dire ce qui constitue sa nature.

H : Le ciel, la terre et tous les êtres tirent leur origine de l’essence du Tao. C’est parce que le ciel a obtenu cette Unité, cette essence, qu’il est pur et s’élève sous forme d’éther au-dessus de nos têtes, etc. Si le ciel ne possédait pas cette Unité, c’est-à-dire s’il ne tenait pas du Tao cette pureté qui constitue sa nature, il se fendrait et ne pourrait s’arrondir en voûte. Si la terre ne possédait pas cette Unité, elle serait entraînée par un mouvement rapide (plusieurs interprètes expliquent le mot fa par « se mettre en mouvement ) et ne pourrait rester en repos pour supporter les êtres ; si les hommes ne la possédaient pas, leurs moyens de vivre s’épuiseraient et ils ne pourraient se perpétuer sans fin dans leurs fils et leurs petits-fils. Si les dix mille (c’est-à-dire tous) les êtres ne la possédaient pas, ils s’éteindraient et cesseraient d’exister. Si les princes et les rois ne la possédaient pas, ils seraient renversés, et ne pourraient rester en paix sur leur trône noble et élevé. C’est sur ce dernier point que Lao-tseu insiste particulièrement, parce qu’il désire que les rois s’attachent au Tao et gouvernent par le non-agir.

En général, tout homme qui est soumis aux autres et n’agit que d’après leurs ordres, s’appelle hiu-tsien 下賤, « bas et abject. »C’est une comparaison qui s’applique au Tao. Le Tao est sans nom et tous les êtres du monde peuvent en faire usage, de même qu’on emploie un homme d’une condition basse et abjecte. Si les princes et les rois restaient sur leur trône noble et élevé sans posséder le Tao, ils seraient bientôt renversés. N’est-il pas évident que le Tao est leur fondement et leur racine ?


(4) Plusieurs éditions portent : heou-wang-wou-i-weï-tching-eul-koueï kao 俟王無以為正而貴高. « Si les princes et les rois cessaient d’être les modèles (du monde) et s’énorgueillissaient de leur noblesse et de leur élévation… » La construction que j’ai adoptée, d’après la glose de Liu-kie-fou, m’a paru plus régulière et plus logique. « Être noble (dit cet interprète) et oublier sa noblesse, être élevé et oublier son élévation, c’est le moyen d’être le modèle de l’empire et de ne pas être détrôné. »


(5) E : Dans l’ordre de la nature, les vassaux et les rois sont de la même espèce que l’humble homme du peuple. Si les peuples se soumettent à eux, de simples particuliers qu’ils étaient, ils deviennent princes et rois. Si les peuples les abandonnent, de princes et de rois qu’ils étaient, ils descendent dans la classe des simples particuliers. On voit par là que la noblesse et l’élévation des princes et des rois ont pour base la classe abjecte et roturière du peuple. Quand les princes et les rois s’appellent eux-mêmes par humilité orphelins, hommes de peu de mérite, hommes dénués de vertu, ils emploient les dénominations qui servent à désigner le pauvre peuple et les gens d’une condition basse et ignoble. S’ils se désignent ainsi eux-mêmes, au lieu d’employer des titres pompeux, c’est qu’ils n’ont pas oublié leur humble origine.


(6) Suivant Sie-hoeï (E), le sens du mot tchi n’a pas encore été expliqué d’une manière satisfaisante ; il le regarde comme redondant.


(7) B et Sie-hoeï : Avec une multitude de matériaux, vous formez un char. Char est un nom collectif des différents matériaux dont un char se compose. Si vous les comptez un à un (si vous décomposez le char), vous aurez un moyeu, des roues, des rais, un essieu, un timon, etc. si vous donnez à ces différentes parties leurs noms respectifs,le nom de char disparaîtra ; si vous en faites abstraction, il n’y aura plus de char.

De même, c’est la réunion et l’ensemble du peuple qui forment un prince ou un roi. Prince, roi, sont des noms collectifs de peuple.

Si vous faites abstraction du peuple, il n’y aura plus ni prince ni roi.

Quelque beau que soit un char, il ne l’est devenu que par la réunion d’une multitude de petits matériaux. Quelque noble que soit un prince ou un roi, il n’a pu le devenir que par la réunion d’une foule d’hommes d’une basse condition.

Il est donc à désirer que les princes et les rois sachent s’abaisser au milieu de leurs honneurs, et (C) devenir simples et humbles comme le Tao. Dès qu’un prince possède le Tao, il n’est pas au pouvoir des hommes de le rehausser ni de l’avilir. Il ne veut pas être estimé comme le jade, ni méprisé comme la pierre. Or (E) si les princes et les rois perdent leur peuple, c’est parce qu’ils ont perdu l’Unité (le Tao). S’ils perdent l’Unité, c’est parce que, fiers de leur noblesse et de leur élévation, ils s’abandonnent, sur le trône, aux plus coupables excès. Lao-tseu explique ici la cause de la noblesse et de l’élévation, pour détourner les hommes de les rechercher.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 39

Voici ce qui,
depuis les origines,
a atteint l'unité :
Le ciel
parce qu'il est pur.
La terre
parce qu'elle est stable.
Les esprits
parce qu'ils sont transcendants.
Les vallées
parce qu'elles sont riches en eau.
L'humanité
parce qu'elle se reproduit.
Les souverains et les gouvernants
parce qu'ils donnent l'exemple.
C'est l'unité qui les rend parfaits.
Si le ciel n'était plus pur,
certainement
il s'effondrerait.
Si la terre n'était plus stable,
elle s'écroulerait.
Si les esprits n'étaient plus
transcendants,
ils s'évanouiraient.
Si les vallées n'étaient plus humides,
elles deviendraient des déserts.
Si les dix mille êtres
cessaient de se reproduire,
ils disparaîtraient.
Si les souverains et les gouvernants
renonçaient au pouvoir,
leurs pays tomberaient dans le chaos.
La noblesse repose sur l'humilité.
Ce qui est grand
prend appui sur ce qui est infime.
Ainsi
les souverains et les gouvernants
se nomment-ils eux-mêmes
orphelins,
hommes sans valeur
et
de peu de mérite.
Ils montrent par là
leur compréhension
de l'ordre profond des choses.
L'honneur suprême
est en dehors de l'honneur.
Car le Sage ne cherche
ni a briller
comme le jade,
ni a être rejeté
comme un caillou.
Il vit au-dessus
de l'estime
et du mépris.


MA KOU 1984 CHAPITRE 39

Depuis l’origine, parvinrent à l’unité
Le ciel qui, dans l’unité est limpide
La terre qui, dans l’unité, est tranquille
Les dieux qui, dans l’unité, sont puissants
Les vallées qui, dans l’unité, sont pleines
La multiplicité des êtres
Qui dans l’unité, prennent vie
Seigneurs et princes, qui dans l’unité, gouvernent.

Seule l’unité fait ce qu’ils sont.

Si le ciel n’est pas limpide, il se déchire
Si la terre n’est pas tranquille, elle tremble
Si les dieux ne sont pas puissants, ils disparaissent
Si les vallées ne sont pas pleines
Elles deviennent arides
Si la multiplicité des êtres n’est pas riche de vie
Ils périssent
Si seigneurs et princes ne gouvernent pas, ils sont renversés.

Ainsi le noble doit-il avoir l’inférieur comme racine
Le haut doit-il avoir le bas comme fondement.
Si seigneurs et princes se révèlent
Solitaires, désolés et malheureux
Alors prennent-ils l’inférieur comme racine
Sans doute aucun.

Le plus haut renom est sans renom
Ne voulant pas être supérieur aux autres,
Tel le jade
Ni à l’écart,
Tel une pierre.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 39

Voici ce qui, depuis les origines, possède l'Unité:
Le ciel possède l'Unité par sa pureté, la terre par son repos, les esprits par leur transcendance, les vallées parce qu'elles peuvent se remplir, les dix mille être par leur puissance générative, les princes et les rois par l'exercice du pouvoir. C'est par cela qu'ils possèdent l'Unité.
Si le ciel cessait d'être pur, il est probable qu'il se dissoudrait; si la terre n'était plus en repos il est probable qu'elle se désagrégerait; si les esprits perdaient leur transcendance, ils s'anéantiraient; si les vallées ne se remplissaient elles deviendraient stériles; si les dix mille être ne se reproduisaient plus ils disparaîtraient.
C'est pourquoi ce qui est précieux a pour origine ce qui a peu de valeur, et ce qui est élevé est fondé sur ce qui est bas.
C'est pour cette raison que les pinces et les rois s'appellent eux-mêmes orphelins, hommes de peu de valeur, sans mérite. Ne montrent-ils pas par là que leur souche est vulgaire, et n'ont-ils pas raison?
C'est pourquoi un char en pièces séparées n'est plus un char.
Il ne faut pas désirer être surestimé comme le jade, ni foulé au pied comme un caillou.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 39

Voici les êtres qui participent à la simplicité primitive. Le ciel, qui doit à cette simplicité sa lu­minosité. La terre, qui lui doit sa stabilité. L’action génératrice universelle, qui lui doit son activité. L’espace médian, qui lui doit sa fécondité. La vie commune à tous les êtres. Le pouvoir de l’empereur et des princes. (Vie et pouvoir étant des émanations du Principe).
Ce qui les fait tels, c’est la simplicité (primitive à laquelle ils participent. Si le ciel venait à la perdre, il tomberait. Si la terre venait à la perdre, elle vacillerait. Si l’action génératrice la perdait, elle cesserait. Si l’espace médian la perdait, il s’épuise­rait. Si la vie la perdait, tous les êtres disparaîtraient. Si l’empereur et les princes la perdaient, c’en serait fait de leur dignité.
Toute élévation, toute noblesse, est assise sur l’abaissement et la simplicité (caractères propres du Principe). Aussi est-ce avec raison, que l’empereur et les princes, les plus exaltés des hommes, se dé­signent par les termes, seul, unique, incapable, et cela sans s’avilir.
(Appliquant le même principe de la simplicité dans leur gouvernement), qu’ils réduisent les multi­tudes de leurs sujets à l’unité, les considérant com­me une masse indivise avec une impartialité sereine, n’estimant pas les uns précieux comme jade et les autres vils comme cailloux.
La vue, globale, comme d’une distance infinie, les individus et les détails n’étant pas visibles. Nous connaissons cela. Ce chapitre complète le précédent.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 39

Autrefois, on obtenait une seule chose.

Le ciel obtenait une seule chose pour s'éclaircir.

La terre obtenait une seule chose pour être paisible.

L'esprit obtenait une seule chose pour être efficace.

La vallée obtenait une seule chose pour être pleine.

Des milliers d'êtres obtenaient une seule chose pour croître.

Les nobles et les rois obtenaient une seule chose pour être inébranlables sous le ciel,

et ils y parvenaient.

Pour s'éclaircir sans elle,

le ciel manœuvre en craignant les crevasses.

Pour être paisible sans elle,

la terre manœuvre en craignant d'émerger.

Pour être efficace sans elle,

l'esprit manœuvre en craignant de se reposer.

Pour être pleine sans elle,

la vallée manœuvre en craignant de se fatiguer.

Pour croître sans elle,

des milliers d'êtres manœuvrent en craignant de périr.

Pour être à une hauteur coûteuse sans elle,

les nobles et les rois manœuvrent en craignant de tomber.

Ainsi, ils sont coûteux, pour établir à peu de frais une racine,

ils sont hauts, pour établir en bas des fondations.

C'est pourquoi les nobles et les rois eux-mêmes

disent qu'ils sont orphelins, peu de chose, non distingués.

Ne le seraient-ils pas pour établir une racine à peu de frais ? Impossible !

Ainsi, ils parviendraient à compter des chars sans qu'il y en ait.

Comme des bijoux, ils ne désireraient rien qui ressemble à des bijoux comme les jades.

Un collier, un pendentif serait comme une pierre.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 39

Ceux qui, jadis ont atteint l’unité sont les suivants :

Le ciel a atteint l’unité et est devenu clair.

La terre a atteint l’unité et est devenue tranquille.

Les esprits ont atteint l’unité et sont devenus animés.

Les vallées ont atteint l’unité et sont devenues remplies.

Les dix mille êtres ont atteint l’unité et sont nés.

Les rois vassaux ont atteint l’unité et sont devenus rectifcateurs

de Tout sous le ciel.

Ce qui a causé tout cela, (c’est l’unité).

Si, grâce à elle, le ciel n’était pas clair, on craindrait qu’il ne

se déchirât.

Si, grâce à elle, la terre n’était pas tranquille, on craindrait

qu’elle ne succombât.

Si, grâce à elle, les esprits n’étaient pas animés, on craindrait

qu’ils ne s’évanouissent.

Si, grâce à elle, les vallées n’étaient pas remplies, on craindrait

qu’elles ne s’épuisassent.

Si, grâce à elle, les dix mille êtres n’étaient pas nés, on

craindrait qu’ils ne s’éteignissent.

Si, grâce à elle, les rois vassaux n’étaient pas nobles et élevés,

on craindrait qu’ils ne trébuchassent.

Car le noble a pour racine l’infime ; l’élevé a pour fondement

le bas.

C’est pourquoi les rois vassaux s’appellent « l’orphelin », «

le délaissé », « l’indigent ». N’est ce pas parce qu’ils considèrent

l’infime comme racine ?

Car l’honneur suprême est sans honneur.

Il ne désire pas être finement taillé comme le jade, mais il

préfère être éparpillé comme des cailloux.

***

L’Unité dont parle ce chapitre est sans doute la Voie par laquelle tout

se maintient. A comparer aussi chapitre X : « Se cramponner à l’Unité.

»

La phrase : « Ce qui a causé tout cela, (c’est l’unité) » (où en tout cas yi

ye 142, « c’est l’unité », doit être inséré), est certainement une interpolation

tirée d’un commentaire.

Dans : « Les rois vassaux... sont devenus rectificateurs », le traduis

par « rectificateur » le mot tcheng (143) qui est expliqué par tcheng

(144) « droit ». Comparer le Livre des Mutations, septième hexagramme.

Plus loin, dans : « Si, grâce à elle, les rois vassaux n’étaient

pas nobles et élevés », Lieou Che p’ei (1884 1919) propose aussi de

lire tcheng (143) au lieu de kouei kao (145) : tcheng et kouei se ressemblent

beaucoup par la forme, et il croit que kao n’est qu’une addition

tardive. Malgré l’approbation de Kao Heng, cette correction me

paraît inacceptable, parce que, dans la suite, kouei et kao sont définis

séparément. Il est même très probable que, dans le premier passage,

au lieu de tcheng (143) « rectificateurs » il faut lire aussi kouei (145)

« nobles », parce que les phrases sont absolument parallèles.

Ma Siu louen, qui reconnaît que kouei kao est indispensable, veut

combiner les leçons et lire : « rectificateurs et (ainsi) nobles et élevés

». C’est décidément trop prolixe pour le style du Tao tö king.

Les expressions employées ici pour les rois vassaux (voir XXXVII et

XLII) sont des termes par lesquels ils se désignent eux mêmes vis

à vis de leurs sujets. Les deux premières, qui signifient « orphelin

», doivent peut-être être prises dans leur sens littéral : ce qu’il y a

de plus caractéristique, ce par quoi l’on est souverain légitime dans

une société patrilinéaire, c’est le fait que le prince n’a plus de père,

qu’il est donc orphelin. Cependant on peut aussi les entendre comme

des expressions d’humilité, et telle est certainement l’intention ici.

L’orthographe du troisième terme est assez flottante : on trouve kou

(146) « blé », aussi bien que kou (147) « essieu », deux caractères

dont seule la clé diffère. Le premier signifierait « l’indigent », le second

« (voiture) sans essieu » ; mais à mon avis la première orthographe

est la plus probable. Ce terme semble s’être employé presque

exclusivement pour désigner le roi de l’État de Tch’ou, sur le Yang

tseu kiang.

Ma traduction : « N’est ce pas parce qu’ils considèrent l’infime comme

racine ? » s’appuie sur la recension de Ho chang kong, où le caractère

fei (6) « ne pas » n’est pas répété. Dans : « Car l’honneur suprême

est sans honneur » (à savoir : n’a pas besoin d’honneurs), je suis la

correction de Wou Tch’eng (1249 1331), confirmée par un passage

du Tchouang tseu, XVIII (Legge II, p. 3) ; elle est adoptée par Ma Siu

louen et par Kao Heng.

Bien que le sens de la dernière phrase soit incertain, je comprends

que l’honneur suprême ne cherche pas à être reconnu comme une

pièce de jade, mais se contente d’une condition qui, en apparence,

est vile et méprisée comme celle des pierres ordinaires. Je suis la version

du Heou Han chou citée par Ma Siu louen, ou lo (148) est écrit

lo (149).