道 德 經
DÀO DÉ JĪNG


CH01CH02CH03CH04CH05CH06CH07CH08CH09
CH10CH11CH12CH13CH14CH15CH16CH17CH18
CH19CH20CH21CH22CH23CH24CH25CH26CH27
CH28CH29CH30CH31CH32CH33CH34CH35CH36
CH37CH38CH39CH40CH41CH42CH43CH44CH45
CH46CH47CH48CH49CH50CH51CH52CH53CH54
CH55CH56CH57CH58CH59CH60CH61CH62CH63
CH64CH65CH66CH67CH68CH69CH70CH71CH72
CH73CH74CH75CH76CH77CH78CH79CH80CH81


daodejing.org/38.html

ctext.org/dictionary.pl?if=en&id=11629

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WB--------------------------------
HSG--------------------------------
FY------------------------------
MWDA------------------------
MWDB----------------O------<--<
GD--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
YDDJ--------------------------


shàng shì yǒu xià shī shì shàng wéi ér wéixià wéi zhī ér yǒu wéishàng rén wéi zhī ér wéishàng wéi zhī ér yǒu wéishàng wéi zhī ér zhī yìng rǎng ér rēng zhī shī dào ér hòu shī ér hòu rénshī rén ér hòu shī ér hòu zhězhōng xìn zhī ér luàn zhī shǒuqián shí zhědào zhī huáér zhī shǐshì zhàng chǔ hòu chǔ shí huá
shànghaut supérieur, le plus élevé monter, envoyer#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
shīperdre faire des erreurs, négliger-#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
shànghaut supérieur, le plus élevé monter, envoyer#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
shànghaut supérieur, le plus élevé monter, envoyer#P #W #C #Z
rénhumanité bienveillance, gentillesse-#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
shànghaut supérieur, le plus élevé monter, envoyer#P #W #C #Z
bonne conduite droiture-#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
shànghaut supérieur, le plus élevé monter, envoyer#P #W #C #Z
coutume sociale mœurs courtoisie; rites#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne pas n'est pas, ne peut pas négatif#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
yìngdevrait devrait, doit-#P #W #C #Z
règle loi, réglementation  notes#P #W #C #Z
rǎngsaisir prendre par la force repousser#P #W #C #Z
bras branche, arme, manche, armes-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
rēnglancer lancer jeter, jeter#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
shīperdre faire des erreurs, négliger-#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
hòuderrière derrière, après descendants#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
shīperdre faire des erreurs, négliger-#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
hòuderrière derrière, après descendants#P #W #C #Z
rénhumanité bienveillance, gentillesse-#P #W #C #Z
shīperdre faire des erreurs, négliger-#P #W #C #Z
rénhumanité bienveillance, gentillesse-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
hòuderrière derrière, après descendants#P #W #C #Z
bonne conduite droiture-#P #W #C #Z
shīperdre faire des erreurs, négliger-#P #W #C #Z
bonne conduite droiture-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
hòuderrière derrière, après descendants#P #W #C #Z
coutume sociale mœurs courtoisie; rites#P #W #C #Z
homme adulte de sexe masculin, mari  ceci, celui#P #W #C #Z
coutume sociale mœurs courtoisie; rites#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
zhōngloyauté dévouement, fidélité-#P #W #C #Z
xìnfaire confiance croire lettre#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
mince léger, faible pauvre, avare#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
luànconfusion état de chaos créer le chaos, la révolte#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
shǒutête d'abord chef, chef; un poème#P #W #C #Z
qiándevant en avant précédent#P #W #C #Z
shíreconnaître savoir, comprendre-#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
huáfleuri illustre Chinois#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
stupide idiot, insensé-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
shǐorigine commencer alors#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
zhàngunité de longueur égale à 33 mètres  gentleman, mâle, mari, homme#P #W #C #Z
homme adulte de sexe masculin, mari  ceci, celui#P #W #C #Z
chǔlieu place, département prendre place, résider, rester, habiter; traiter avec#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
hòuépais substantiel considérablement#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
vivre habiter, résider, s'asseoir-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
mince léger, faible pauvre, avare#P #W #C #Z
chǔlieu place, département prendre place, résider, rester, habiter; traiter avec#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
shíréel vrai, honnête solide; rempli#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
vivre habiter, résider, s'asseoir-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
huáfleuri illustre Chinois#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
s'en aller partir, partir-#P #W #C #Z
que là, ceux-#P #W #C #Z
prendre recevoir, obtenir sélectionner#P #W #C #Z
ceci ceux-là  dans ce cas, alors#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 38

Le Maître ne cherche pas à être puissant ;

c'est pourquoi il est véritablement puissant.

L'homme ordinaire cherche sans cesse à acquérir le pouvoir ;

c'est pourquoi il n'en a jamais assez.

Le Maître ne fait rien,

mais il ne laisse rien inachevé.

L'homme ordinaire fait toujours des choses,

mais il reste encore beaucoup à faire.

L'homme bon fait quelque chose,

mais il reste encore quelque chose à faire.

L'homme juste fait quelque chose,

mais il laisse beaucoup de choses à faire.

L'homme moral fait quelque chose,

et quand personne ne lui répond,

il retrousse ses manches et utilise la force.

Quand le Tao est perdu, il y a la bonté.

Quand la bonté est perdue, il y a la moralité.

Quand la moralité est perdue, il y a le rituel.

Le rituel est l'enveloppe de la vraie foi,

le début du chaos.

C'est pourquoi le Maître s'intéresse

aux profondeurs et non à la surface,

au fruit et non à la fleur.

Il n'a pas de volonté propre.

Il demeure dans la réalité

et laisse tomber toutes les illusions.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XXXVIII

而亂之首。前識者,道之華,而愚之始。是以大丈夫處其厚,不居其薄;處其實,不居其華。故去彼取此。


Les hommes d’une vertu supérieure (1) ignorent leur vertu (2) ; c’est pourquoi ils ont de la vertu.

Les hommes d’une vertu inférieure n’oublient pas (3) leur vertu ; c’est pourquoi ils n’ont point de vertu.

Les hommes d’une vertu supérieure la pratiquent sans y songer (4).

Les hommes d’une vertu inférieure la pratiquent avec intention (5).

Les hommes d’une humanité supérieure la pratiquent sans y songer.

Les hommes d’une équité supérieure la pratiquent avec intention.

Les hommes d’une urbanité supérieure (6) la pratiquent (7) et personne n’y répond (8) ; alors ils emploient la violence pour qu’on les paye de retour (9).

C’est pourquoi l’on a de la vertu après avoir perdu le Tao (10) ; de l’humanité après avoir perdu la vertu ; de l’équité après avoir perdu l’humanité ; de l’urbanité après avoir perdu l’équité.

L’urbanité n’est que l’écorce de la droiture et de la sincérité ; c’est la source du désordre.

Le faux savoir (12) n’est que la fleur du Tao et le principe de l’ignorance.

C’est pourquoi un grand homme (13) s’attache au solide et laisse le superficiel.

Il estime le fruit et laisse la fleur. C’est pourquoi il rejette l’une et adopte l’autre.


NOTES.

(1) Le sens que j’ai donné aux mots chang-te 上徳 littéralement, « haute vertu, » est celui de la plupart des interprètes. H croit qu’ils désignent les saints hommes de la haute antiquité.


(2) E : Pou-tseu-te 不自徳, c’est-à-dire : « Ils ne se regardent pas comme vertueux. » A explique pou-te 不徳 par « ils ne laissent pas paraître leur vertu. »


(3) H rend les mots pou-tchi 不失, littéral. « ne pas perdre, » par « ne pas oublier. » D’autres interprètes ont donné à ces deux mots leur sens accoutumé. E : Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est de ne point perdre leur vertu. Sou-tseu-yeou : Les hommes d’un mérite inférieur savent que la vertu est honorée. Ils s’efforcent de l’acquérir et ne la perdent pas.


(4) Wou-wei-eul-wou-i-wei 無為而無以為, c’est-à-dire (B), wou-yeou-sin-iu-te 無有心於徳 « Ils ne songent point à pratiquer la vertu, ils la pratiquent naturellement. »

H : Ce qui fait que les hommes d’une vertu supérieure ont de la vertu, c’est que leur vertu émane du non-agir (c’est-à-dire qu’ils la pratiquent à leur insu et sans intention) et qu’ils ne s’en prévalent point. Cet interprète explique le mot i par chi , « s’appuyer sur, se prévaloir de (la pratique de la vertu). » Quoiqu’il analyse la phrase autrement que B, il arrive au même sens. E rend les mots wou-i-weï 無以為 par nihil agendo agit illud, c’est-à-dire :« il pratique la vertu sans rien faire pour cela. »


(5) Wei-tchi-eul-yeou-i-weï 為之而有以為, c’est-à-dire (B), yeou-sin-iu-te 有心於徳 : « Ils ont l’intention de pratiquer la vertu. »

H explique le mot i par « se prévaloir de (chi ), » comme dans la phrase précédente. Ce qui fait, dit-il, que les hommes d’une vertu inférieure n’ont pas de vertu, c’est que leur vertu émane d’une intention formelle, c’est qu’ils se glorifient de leur mérite 矝功,et se prévalent de la pratique de la vertu.

E : Yeou-i-weï 有以為, c’est-à-dire yeou-weï-weï-tchi 有為為之 « Ils font des efforts pour la pratiquer. »


(6) Sou-tseu-yeou : Après avoir parlé de la vertu supérieure et de la vertu inférieure, Lao-tseu se contente de mentionner l’humanité supérieure, l’équité supérieure, et ne dit rien de l’humanité inférieure,de l’équité inférieure. En voici la raison. La vertu inférieure tient le milieu entre l’humanité et la justice, mais le degré inférieur de l’humanité et de l’équité ne mérite pas d’être cité.


(7) Liu-kie-fou : L’homme d’une humanité supérieure la pratique sans s’y appliquer et comme à son insu. Mais il n’en est pas de même de la justice ; pour la suivre, il faut examiner auparavant ce qui est bien ou mal, juste ou injuste. D’où il suit qu’on ne peut la pratiquer sans agir, c’est-à-dire sans y songer, sans intention.


(8) A : Les princes d’une urbanité supérieure créent les rites, établissent des règlements et déterminent la nature et l’ordre des cérémonies qui peuvent rehausser la majesté royale. Mais lorsque les fleurs de l’urbanité sont abondantes et que son fruit a dépéri (c’est-à-dire lorsque l’urbanité ne se compose que de dehors spécieux et que la sincérité des sentiments s’est affaiblie), on fatigue les autres par des démonstrations trompeuses, et à chaque acte on s’éloigne du Tao. Il est impossible qu’ils y répondent par des marques de respect.


(9) A : Alors les supérieurs se mettent en guerre avec les inférieurs. C’est pourquoi ils emploient la violence ( littéral. « ils étendent un bras menaçant » ) pour les forcer à leur rendre hommage.


(10) A : Dès que le Tao se fut affaibli, la vertu naquit dans le monde ; dès que la vertu se fut affaiblie, l’humanité et l’affection apparurent ;dès que l’humanité se fut affaiblie, l’équité se montra avec éclat. Dès que l’équité se fut affaiblie, on commença à témoigner une politesse étudiée et à envoyer en présent du jade et des étoffes de soie.


(11) E : Lao-tseu n’arrive à l’urbanité qu’après être descendu quatre fois au-dessous du Tao. En effet, il descend du Tao à la vertu, de la vertu à la justice, de la justice à l’équité, de l’équité aux rites ou à l’urbanité. L’urbanité est ce qu’il y a de plus faible dans les vertus sociales ; il est impossible de descendre plus bas. Si l’on descend plus bas, on entre dans la voie du désordre.

Ibid. On ne peut pas dire que l’urbanité exclut nécessairement la droiture et la sincérité ; mais elle n’en est que la partie la plus faible,la plus superficielle. Elle n’est pas un désordre, mais elle est le principe du désordre. En effet, si l’un veut montrer son respect par une attitude humble, sa sincérité par des paroles bienveillantes, lorsqu’on multiplie ces démonstrations, le sentiment de la droiture et de la sincérité s’affaiblit de jour en jour.


(12) A : Ne pas savoir et dire que l’on sait, cela s’appelle thsien-tchi 前識.

E explique la même expression par thsien-tchi 前知, « la faculté de connaître les choses d’avance. » Cette faculté n’exclut pas nécessairement le Tao, mais elle n’en est que la fleur ; ce n’est pas de l’ignorance, mais c’est le commencement de l’ignorance. La véritable étude du Tao consiste à nourrir ses esprits. Quoique l’éclat (de la vertu du Saint) puisse illuminer l’univers, il le renferme dans son intérieur. Quant à ces hommes qui font usage de leurs facultés intellectuelles pour prévoir la paix ou le désordre des états,pour prédire le malheur ou le bonheur, ils peuvent, il est vrai, exciter l’admiration du siècle ; mais lorsqu’ils se replient sur eux-mêmes,cette faculté ne leur sert de rien. Ils fatiguent leurs esprits en s’occupant des choses extérieures ; de là naissent le trouble et l’erreur. C’est pourquoi Lao-tseu dit : C’est le commencement de l’ignorance.


(13) Sou-tseu-yeou : L’homme saint pénètre tous les êtres à l’aide d’une intuition merveilleuse. Le vrai et le faux, le bien et le mal brillent à sa vue comme dans un miroir. Rien n’échappe à sa perspicacité. Les hommes vulgaires ne voient rien au delà de la portée de leurs yeux, n’entendent rien au delà de la portée de leurs oreilles,ne pensent rien au delà de la portée de leur esprit. Ils cheminent en aveugles au milieu des êtres ; ils usent leurs facultés pour acquérir du savoir, et ce n’est que par hasard qu’ils en entrevoient quelques lueurs. Ils se croient éclairés et ne voient pas qu’ils commencent à arriver au faîte de l’ignorance. Ils se réjouissent d’avoir acquis ce qu’il y a de plus bas, de plus vil au monde ; et ils oublient ce qu’il y a de plus sublime. Ils aiment le superficiel et négligent le solide ; ils cueillent la fleur et rejettent le fruit. Il n’y a qu’un grand homme qui sache rejeter l’une et adopter l’autre.

E : Plusieurs auteurs raisonnent ainsi : L’humanité, la justice,les rites, les lois, sont les instruments dont se sert un homme saint (c’est-à-dire un prince parfait) pour gouverner l’empire. Mais Lao-tseu veut qu’on abandonne l’humanité et la justice, qu’on renonce aux rites et aux lois. Si une telle doctrine était mise en pratique,comment l’empire ne tomberait-il pas dans le désordre ? En effet,parmi les lettrés des siècles suivants, on en a vu qui, séduits par le goût des discussions abstraites, négligeaient les actes de la vie réelle ;d’autres qui, entraînés par l’amour de la retraite, mettaient en oubli les lois de la morale. L’empire imita leur exemple, et bientôt la société tomba dans le trouble et le désordre. C’est ce qui arriva sous la dynastie des Tsin. Ce malheur prit sa source dans la doctrine de Lao-tseu.

Ceux qui raisonnent ainsi ne sont pas capables de comprendre le but de Lao-tseu, ni de pénétrer la véritable cause des vices qui ont éclaté sous les Tsin. Les hommes des Tsin ne suivaient pas la doctrine de Lao-tseu ; les troubles de cette époque ont eu une autre cause. Ce n’est point sans motif que Lao-tseu apprend à quitter l’humanité et la justice, à renoncer aux rites et à l’étude. Si les hommes doivent quitter l’humanité et la justice, c’est pour révérer le Tao et la Vertu ; s’ils doivent renoncer aux rites et à l’étude, c’est pour revenir à la droiture et à la sincérité. Quant aux hommes des Tsin,je vois qu’ils ont abandonné l’humanité et la justice ; je ne vois pas qu’ils aient révéré le Tao et la Vertu. Je vois qu’ils ont renoncé aux rites et à l’étude ; je ne vois pas qu’ils soient revenus à la droiture et à la sincérité.

Depuis la période Thaï-kang (l’an 280 après J. C.) jusqu’à la fuite sur la rive gauche du fleuve Kiang, les lettrés s’appliquaient en général à acquérir une réputation éminente ; ils s’abandonnaient mollement au repos ; ils couraient après le pouvoir et la fortune, et se passionnaient pour la musique et les arts. Le goût des discussions abstraites et l’amour de la solitude n’étaient rien en comparaison de ces excès coupables qui ont troublé la famille des Tsin, et dont il serait impossible de trouver la cause dans l’ouvrage de Lao-tseu.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 38

L'homme de haute vertu
est au-dessus de la vertu,
c'est pourquoi il est vertueux.
L'homme de moindre vertu,
se dit vertueux
c'est pourquoi
il ne l'est pas.
L'homme de haute vertu
la pratique sans y penser.
L'homme de moindre vertu
l'utilise pour atteindre un but.
Et pourtant
il ne l'atteint pas.
Le véritable homme de bien
agit
sans avoir de raisons de le faire.
L'homme de justice
agit
car il a des raisons de le faire.
L'homme qui se conforme au rites
agit
et veut les imposer par la force.
Ainsi,
si l'on oublie le Tao,
il reste la vertu.
Si l'on se détourne de la vertu,
il reste la bonté.
Lorsque la bonté est perdue,
il reste la justice.
Lorsqu'on abandonne la justice,
on recourt aux rites.
Or,
Les rites ne sont que l'apparence
de la vérité
et de la sincérité.
Ils sont
aussi
l'amorce de la confusion.
La connaissance et l'intelligence
ne sont pour le Tao
que des fleurs sans parfum.
Elles sont
souvent
la source de l'erreur.
C'est pourquoi
le Sage puise au tréfonds des choses
sans s'arrêter aux apparences.
Il contemple le fruit
plutôt que la fleur.
Il ignore l'une
et cueille l'autre.


MA KOU 1984 CHAPITRE 38

La plus grande vertu s’ignore
Et c’est la raison de sa vertu.
La plus petite se donne à voir
Et c’est la raison de son manque de vertu.

La première n’agit pas
Et pourtant, sans but, ne laisse rien inachevé.
La seconde agit
Et pourtant n’atteint pas son but.

Une grande bienveillance agit
sans motifs.
Une grande rectitude agit
Mais en suivant ses motifs.
La pratique de rites parfaits agit
Mais sans réponse, persuade par sa puissance.

Ainsi, de la voie perdu vient la vertu
De la vertu perdue vient la bienveillance
De la bienveillance perdue vient la rectitude,
De la rectitude perdu surviennent les rites.
Les rites sont la peau de la royauté et de la confiance
Mais aussi le début du désordre.
Connaissance et prévoyance fleurissent la voie
Mais marquent le commencement de la sottise.

Ainsi l’être à vaste conscience
Prend ses racines dans le tréfonds
Et non dans la surface.
Il attend du fruit
Et non de la fleur.
Il rejette la superficie
Pour adhérer à l’intime.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 38

La suprême Vertu est sans vertu; c'est pourquoi elle est la Vertu. La vertu inférieure est attachée aux vertus, c'est pouquoi elle n'est pas la vertu.
La supême Vertu n'agit pas, et n'a pas de raison d'agir. La vertu inférieure agit par elle-même; elle a des motifs pour agir. L'humanité supérieure agit par elle-même sans mobiles. L'équité supérieure agit par elle-même avec des raisons pour agir La civilité supérieure agit par elle-même; et lorsqu'elle n'obtient pas la réciprocité, elle s'efforce de s'imposer par la contrainte, mais elle est rejetée.
C'est pourquoi lorsque le Tao fut délaissé, il y eut la vertu; la vertu perdue, il y eut l'humanité; après la perte de l'humanité, il y eut l'équité; après la perte de l'équité, il y eut la civilité. Or la civilité n'étant que l'apparence de la droiture et de la sincérité, elle est cause de désordre.
Le savoir n'est qu'ornement du Tao et commencement de l'erreur. C'est pourquoi le Sage s'attache au réel et rejette les apparences; il s'intéresse au fruit plutôt qu'a la fleur; il laisse ceci et saisit cela.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 38

Ce qui est supérieur à la Vertu du Principe (le Principe lui-même considéré dans son essence), n’agit pas, mais conserve en soi la Vertu à l’état d’immanence. Tout ce qui est inférieur à la Vertu du Principe (les règles de conduite artificielles), n’est qu’un palliatif à la perte de la Vertu ; palliatif qui n’a avec elle rien de commun.
Ce qui est supérieur à la Vertu (le Principe), n’agit pas en détail. Ce qui est inférieur à la Vertu (les règles artificielles), n’existe que pour l’action en détail.
Ce qui est au-dessus de la bonté (artificielle confucéenne, le Principe) n’agit pas en détail. Ce qui est au-dessus de l’équité (artificielle, la bonté) agit en détail. Ce qui est au-dessus des rits (l’équité) lutte avec les penchants des divers êtres, d’où les rits et les lois.
En d’autres termes, après l’oubli de la nature avec ses instincts naturels bons, vinrent les principes artificiels palliatifs de ce déficit ; lesquels sont, dans l’ordre descendant, la bonté, l’équité, les rits et les lois.
Oui, les rits ne sont qu’un pauvre expédient pour couvrir la perte de la droiture et de la franchise originelles. Ils sont une source de troubles (étiquette, rubriques) plutôt que d’ordre.
Enfin le dernier terme de cette évolution des­cendante, la sagesse politique, fut le commencement de tous les abus.
L’homme vraiment homme, s’en tient a la droi­ture et au bon sens naturels, méprisant les principes artificiels. Usant de discernement, il rejette cela (le faux), pour embrasser ceci (le vrai).
Ce chapitre est dirigé contre le Confucéisme. Le bon sens naturel global, c’est l’unité. Les pré­ceptes moraux artificiels, c’est la multiplicité. Le chapitre suivant va montrer que la multi­plicité ruine, que l’unité sauve.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 38

La vertu supérieure n'est pas la vertu,

c'est pourquoi elle possède la vertu.

La vertu inférieure ne perd pas la vertu,

c'est pourquoi elle est sans vertu.

La vertu supérieure reste sans agir,

donc pour agir, elle n'est rien.

La vertu inférieure est pratiquée,

donc pour agir, il faut la posséder.

L'humanité supérieure est pratiquée,

mais pour agir, elle n'est rien.

La justice supérieure est pratiquée,

donc pour agir, il faut la posséder.

Le rite supérieur est pratiqué,

mais ne leur répond pas.

La règle résiste du bras, mais elle est jetée.

Ainsi, perdre la voie, mais après la vertu,

perdre la vertu, mais après l'humanité,

perdre l'humanité, mais après la justice,

perdre la justice, mais après le rite.

L'époux est un homme de rites,

sa loyauté et sa confiance sont insignifiantes,

mais elles lui embrouillent la tête.

Devant l'homme de savoir,

fleurit sa voie,

mais au début, il est idiot.

C'est pourquoi l'époux, grand par la taille,

se débrouille avec son épaisseur,

ces choses insignifiantes n'y demeurent pas,

se débrouille avec sa solidité,

ses fleurs n'y demeurent pas.

Ainsi il quitte cela et prend ceci.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 38

La Vertu supérieure ne fait pas valoir sa vertu ; c’est pourquoi

elle a de la vertu.

La Vertu inférieure n’abandonne jamais sa vertu ; c’est

pourquoi elle n’a pas de vertu.

La Vertu supérieure est inactive et sans aucune intention.

La Vertu inférieure est active et a des intentions.

L’humanité supérieure est active et sans aucune intention.

La justice supérieure est active et a des intentions.

La conduite rituelle supérieure est active, et, si l’on n’y

répond pas, elle retrousse ses manches et joue des mains.

Donc : Si l’on abandonne la Voie, alors (on fait valoir) la

Vertu. Si l’on abandonne la Vertu, alors (on fait valoir) l’humanité.

Si l’on abandonne l’humanité, alors (on fait valoir)

la justice. Si l’on abandonne la justice, alors (on fait valoir)

la conduite rituelle.

En effet, la conduite rituelle est l’écorce mince de la fidélité

et de la bonne foi, et le commencement du désordre. La

connaissance prématurée n’est qu’une fleur superficielle

de la Voie, et le début de la sottise.

C’est pourquoi le grand « adulte » s’en tient à ce qui est

épais et ne s’arrête pas à ce qui est mince ; il s’en tient au

noyau et ne s’arrête pas à la fleur.

Donc : il rejette cela et choisit ceci.

***

Il est douteux que les parties de ce chapitre soient en ordre. Pourtant,

dans la phrase : « La Vertu supérieure est inactive et sans aucune

intention », je lis, avec le texte traditionnel et à l’encontre de

Ma Siu louen et de Kao Heng, wou yi wei (135) et non pas wou pou

wei (136), ce qui signifierait : « Il n’y a rien qu’elle ne fasse » et supprimerait

le parallélisme avec la phrase suivante. La corruption de la

première leçon en la seconde est facile, tandis que l’inverse est moins

probable. Après l’ » humanité » et autres qualités « supérieures », on

s’attendrait à une mention de ces mêmes qualités « inférieures » ;

quelque chose est peut être perdu.

La Vertu qui ne donne pas d’éclat à elle même est la vraie Vertu ;

elle est la Vertu supérieure. La Vertu inférieure se fait valoir et perd

ainsi son caractère propre. L’humanité jen (2), la justice yi (137) et

la conduite rituelle li (138) sont des vertus confucianistes qui sont

nommées, semble t il, en ordre d’appréciation décroissante. La «

conduite rituelle » se rapporte surtout à l’observance des règles de

l’étiquette qui, au besoin, imposent une contrainte. Pour l’emploi des

mots jang (139) « retrousser ses manches » et jang (140) « jouer des

mains », voir aussi LXIX.

La Vertu qui apparaît « lorsqu’on abandonne la Voie » est la vertu qui

se fait valoir, donc la Vertu inférieure.

La « connaissance prématurée » se rapporte probablement au désir

de savoir comment la Voie se développera, donc à la connaissance

de l’avenir, une soi-disant science qui, en tout cas, fut abondamment

pratiquée dans le Taoïsme ultérieur. Peut être est ce le po (141) «

jouer », dont parle le chapitre LXXXI. Que l’on compare La Doctrine

du Milieu (Tchong yong), où il est dit de l’homme parfaitement « sincère

» qu’il possède cette prescience. Cette pensée, du reste, ne se

raccorde pas très bien avec la précédente.

« L’adulte » fait l’impression d’être un terme technique : un homme

qui comprend la Voie. Dans le sens ordinaire, c’est un jeune homme

de vingt ans.

Pour la dernière phrase, voir XII et LXXII.