道 德 經
DÀO DÉ JĪNG


CH01CH02CH03CH04CH05CH06CH07CH08CH09
CH10CH11CH12CH13CH14CH15CH16CH17CH18
CH19CH20CH21CH22CH23CH24CH25CH26CH27
CH28CH29CH30CH31CH32CH33CH34CH35CH36
CH37CH38CH39CH40CH41CH42CH43CH44CH45
CH46CH47CH48CH49CH50CH51CH52CH53CH54
CH55CH56CH57CH58CH59CH60CH61CH62CH63
CH64CH65CH66CH67CH68CH69CH70CH71CH72
CH73CH74CH75CH76CH77CH78CH79CH80CH81


daodejing.org/1.html

ctext.org/dictionary.pl?if=en&id=11592

tao-te-king.org/1.htm

daoisopen.com/downloads/CC1.pdf

daoisopen.com/downloads/About the Charts.pdf

laozirecited.com/#1

nouveautestament.github.io/DAODEJING/index.html

github.com/nouveautestament/DAODEJING



WB----------------------------
HSG.--------------------------
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MWDA--<<<<--------
MWDB--------------------
GD--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
YDDJ----------------


dào dàofēi cháng dàomíng míngfēi cháng míng míng tiān zhī shǐyǒu míng wàn zhī cháng guān miàocháng yǒu guān jiào liǎng zhětóng chū ér míngtóng wèi zhī xuánxuán zhī yòu xuánzhòng miào zhī mén
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
fēiopposé négatif, non- opposer#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
míngnom grade, titre, position-#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
míngnom grade, titre, position-#P #W #C #Z
fēiopposé négatif, non- opposer#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
míngnom grade, titre, position-#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
míngnom grade, titre, position-#P #W #C #Z
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
Terre sol, sol région#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
shǐorigine commencer alors#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
míngnom grade, titre, position-#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
mère les femmes âgées femelle#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
désirer vouloir, désirer avoir l'intention#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
guānvoir observer apparence#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
miàomystérieux subtil exquis#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
désirer vouloir, désirer avoir l'intention#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
guānvoir observer apparence#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
jiàolimite frontière inspecter, patrouiller#P #W #C #Z
ceci ceux-là  dans ce cas, alors#P #W #C #Z
liǎngpaire couple, deux once#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
tóngpareil similaire avec#P #W #C #Z
chūsortez envoyez rester; produire#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
différent inhabituel, étrange-#P #W #C #Z
míngnom grade, titre, position-#P #W #C #Z
tóngpareil similaire avec#P #W #C #Z
wèidit appeler, nommer être appelé#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
xuánprofond profond, abstrus-#P #W #C #Z
xuánprofond profond, abstrus-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
yòuencore-plus de-nouveau et-aussi#P #W #C #Z
xuánprofond profond, abstrus-#P #W #C #Z
zhòngmultitude foule messes, public#P #W #C #Z
miàomystérieux subtil exquis#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
ménporte portail entrée, ouverture#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 1

Le Tao qui peut être dit

n’est pas le Tao éternel.

Le nom qui peut être nommé

n’est pas le Nom éternel.

L'innommable est l'éternellement réel.

La dénomination est l'origine

de toute chose particulière.

Libéré du désir, tu réalises le mystère.

Pris dans le désir, tu ne vois que les manifestations.

Mais le mystère et les manifestations

proviennent de la même source :

cette source s'appelle l'obscurité.

L'obscurité dans l'obscurité.

La porte d'entrée vers toute compréhension.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE I

La voie qui peut être exprimée par la parole (1) n’est pas la Voie éternelle ; le nom qui peut être nommé (2) n’est pas le Nom éternel.

(L’être) sans nom (3) est l’origine du ciel et de la terre ;avec un nom, il est la mère de toutes choses.

C’est pourquoi, lorsqu’on est constamment (4) exempt de passions, on voit son essence spirituelle (5) ; lorsqu’on a constamment des passions, on le voit sous une forme bornée (6).

Ces deux choses (7) ont une même origine et reçoivent des noms différents. On les appelle toutes deux profondes. Elles sont profondes, doublement profondes. C’est la porte de toutes les choses spirituelles.


NOTES.

(1) H : Le second mot tao a le sens de yen , « dire, énoncer »(C) : kheou-tao 口道, « exprimer à l’aide de la bouche, de la parole. » Sou-tseu-yeou : Il y a deux voies (deux Tao), l’une ordinaire,qui est la voie de la justice, des rites, de la prudence ; elle peut être énoncée par la parole et son nom peut être nommé. L’autre est la Voie (le Tao) sublime dont parle Lao-tseu (B). Cette Voie, qui plane au-dessus du siècle, n’a ni forme, ni couleur, ni nom. Si on la cherche des yeux, on ne la voit pas ; si on prête l’oreille,on ne l’entend pas : c’est pourquoi elle n’est pas susceptible d’être énoncée par la parole, ni désignée à l’aide d’un nom.


(2) Liu-kie-fou : Tous les objets sensibles ont un nom qui peut être nommé ; mais il vient un temps où ce nom, dérivé de leur forme ou de leur nature, vient à disparaître. Ce n’est pas un nom éternel.


(3) G, Ting-i-tong dit : Il y a des éditeurs qui mettent un repos après wou-ming 無名. yeou-ming 有名, « ce qui n’a pas de nom, ce qui a un nom ; » d’autres le mettent après wou et yeou , et entendent le non-être et l’être. Cependant Lao-tseu dit dans le chapitre xxxii : Tao-tchhang-wou-ming. Chi-tchi, yeou-ming 道常無名。。。姶制。有名。 « Le Tao est éternel et sans nom. — Lorsqu’il a commencé à se répandre (E : littéral. « à se diviser pour former les êtres »), il a eu un nom. » On voit par là qu’il faut préférer la première ponctuation.

E : Les expressions wou-ming 無名, « ce qui n’a pas de nom, »yeou-ming 有名, « ce qui a un nom, » indiquent le Tao (considéré à deux époques différentes). Ibid. L’essence du Tao est vide et incorporelle. Lorsque les créatures n’avaient pas encore commencé à exister, on ne pouvait le nommer. Mais lorsqu’une influence divine et transformatrice leur eut donné le mouvement vital, alors ils sont sortis du non-être (du Tao) et le non-être a reçu son nom des êtres. (Tous les êtres sont venus de lui ; c’est pourquoi, dit Ho-chang-kong,le plus ancien commentateur, on l’a appelé le Tao ou la Voie. Cf. ch. xxv). Ce principe vide et immatériel est né avant le ciel et la terre ; c’est ainsi qu’il est l’origine du ciel et de la terre. Dès qu’il s’est manifesté au dehors, toutes les créatures sont nées de lui ; c’est ainsi qu’il est la mère de tous les êtres.


(4) G, Ting-i-tong : Il y a des éditeurs (par exemple H) qui mettent un repos après tchhang-wou 常無, tchhang-yeou 常有,et entendent l’éternel non-être, l’éternel être ; d’autres (et c’est le plus grand nombre) lisent tchhang-wou-yo 常無欲。 « être constamment sans désirs, » tchhang-yeou-yo 常有欲。 avoir constamment des désirs. » J’ai suivi cette ponctuation. (St. Julien.)


(5) A : Si l’homme est constamment exempt de passions, il pourra voir (B) ce qu’il y a de plus subtil, de plus profond dans le Tao.


(6) Littéralement : « On voit ses bornes, on lui voit des bornes. » H : Le mot kiao veut dire bornes, limites, c’est-à-dire les bornes, les limites du Tao. Pi-ching : Lorsque les hommes sont constamment aveuglés par les passions, ils prennent l’être pour le non-être. Ils croient voir le Tao dans les formes grossières et bornées des êtres qui émanent de lui.

Li-si-tchaï explique un peu autrement ce passage : le mot , « subtil, imperceptible, » désigne la grande Voie, le non-être ; le mot kiao désigne la petite Voie, siao-tao 小道, c’est-à-dire l’être . Cette interprétation est conforme à celle de Tchin-king-youen, « On appelle kiao un petit chemin, siao-lou 小路, qui se trouve à côté d’une grande voie, ta-tao-pien 大道邊.


(7) Les commentateurs (par exemple B) qui lisent wou, ming-thien-ti-tchi-chi 無。名天地之姶 (le non-être se nomme l’origine du ciel et la terre), au lieu de wou-ming, thien-ti-tchi-chi 無名。天地之姶 (ce qui est sans nom est l’origine du ciel et de la terre), et yeou, ming 有。名, etc. (l’être se nomme la mère de tous les êtres), au lieu de yeou-ming 有名 etc. (ce qui a un nom, c’est-à-dire le Tao ayant un nom est la mère de tous les êtres), font rapporter ces deux choses à , wou (au non-être) et à yeou , (à l’être) ; d’autres (par exemple F), aux mots miao , « ce qui est invisible par sa subtilité, » et à kiao , « bornes, limites. » Ils arrivent au même sens, c’est-à-dire qu’ils entendent par ces deux choses, le non-être et l’être.

Wang-pi (D) croit que les mots 此两者 thseu-liang-tche, « ces deux choses, » se rapportent aux mots chi , « l’origine, » et mou , « la mère, » qui se trouvent dans le second paragraphe de ce chapitre. Enfin Ho-chang-kong (A) les fait rapporter aux expressions yeou-yo 有欲, avoir des désirs, des passions, » wou-yo 無欲 « ne pas avoir de désirs, de passions. » Ces deux choses, dit-il, sortent ensemble du cœur de l’homme. L’homme qu’on nomme sans désirs se conserve constamment, l’homme qu’on nomme ayant des désirs périt infailliblement.

Cette dernière interprétation ne peut s’accorder avec les douze mots qui terminent le chapitre.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 1

La voie que l'on peut définir
n'est pas le Tao,
la Voie éternelle.
Le nom que l'on peut prononcer
n'est pas le Nom éternel.
Ce qui ne porte pas de nom,
le non-être,
est l'origine du ciel et de la terre.
Ce qui porte un nom
est la mère
de tout ce que nous percevons,
choses et êtres.
Ainsi à celui qui est sans passion
se révèle l'inconnaissable,
le mystère sans nom.
Celui qui est habité
par le feu de la passion
a une vision bornée.
Désir et non désir,
ces deux états
procèdent d'une même origine.
Seuls leurs noms diffèrent.
Ils sont l'Obscurité
et le Mystère.
Mais en vérité c'est
au plus profond de cette obscurité
que se trouve la porte.
La porte de l'absolu
du merveilleux.
Le Tao.


MA KOU 1984 CHAPITRE 1

La vérité (Tao) que l’on veut exprimer
N’est pas la vérité absolue.
Le nom qu’on lui donne
N’est pas le nom immuable.

Vide de nom (Non-être, néant)
Est l’origine du ciel et de la terre.
Avec nom (Etre)
Est la mère des multitudes d’êtres

Le vide de l’être
Médite la racine de toutes choses.

L’être
Considère ses manifestations.

Tous deux sont un
Mais par leurs noms différent.

Un qui est secret
Mystère du mystère.

Porte secrète des mystères.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 1

Une voie qui peut être tracée, n'est pas la voie éternelle: le Tao. Le nom qui peut être prononcé, n'est pas le nom éternel
Sans nom, il est a l'origine du ciel et de la terre. Avec un nom, il est la Mère des dix mille êtres
Ainsi, un Non-Dèsir éternel représente, son essence, et par un Désir éternel il manifeste une limite
Ces deux états coexistent inséparables, et diffèrent seulement de nom. Pensés ensemble: mystère! le Mystère des mystères'. C'est la Porte de toutes les essences
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 1

Le principe qui peut être énoncé, n’est pas celui qui fut toujours. L’être qui peut être nommé, n’est pas celui qui fut de tout temps. Avant les temps, fut un être ineffable, innommable.
Alors qu’il était encore innommable, il conçut le ciel et la terre. Après qu’il fut ainsi devenu nom­mable, il donna naissance à tous les êtres.
Ces deux actes n’en sont qu’un, sous deux déno­minations différentes. L’acte générateur unique, c’est le mystère de l’origine. Mystère des mystères. Porte par laquelle ont débouché sur la scène de l’univers, toutes les merveilles qui le remplissent.
La connaissance que l’homme a du principe universel, dépend de l’état de son esprit. L’esprit habituellement libre de passions, connaît sa mysté­rieuse essence. L’esprit habituellement passionné, ne connaîtra que ses effets.
Avant les temps, et de tout temps, fut un être existant de lui-même, éternel, infini, complet, omniprésent. Impossible de le nommer, d’en par­ler, parce que les termes humains ne s’appliquent qu’aux êtres sensibles. Or l’être primordial fut primitivement, et est encore essentiellement non sensible. En dehors de cet être, avant l’origine, il n’y eut rien. On l’appelle ou néant de forme, huan mystère, ou tao principe. On appelle sien-tien, avant le ciel, l’époque où il n’y avait encore aucun être sensible, où l’essence du principe existait seule. Cette essence possédait deux propriétés immanentes, le yinn concentra­tion et le yang expansion, lesquelles furent exté­riorisées un jour, sous les formes sensibles ciel (yang) et terre (yinn). Ce jour fut le commen­cement du temps. De ce jour le principe put être nommé par le terme double ciel-terre. Le binôme ciel-terre émit tous les êtres sensibles existants. On appelle You être sensible, ce binôme ciel­-terre produisant par tei la vertu du principe, et tous ses produits qui remplissent le morde. On appelle heou-t’ien après le ciel, les temps postérieurs à l’extériorisation du ciel-terre. L’état yinn de concentration et de repos, d’impercepti­bilité, qui fut celui du principe avant le temps, est son état propre. L’état yang d’expansion et d’action, de manifestation dans les êtres sensibles, est son état dans le temps, en quelque sorte impro­pre. A ces deux états du principe, répondent, dans la faculté de connaître de l’homme, le repos et l’activité, autrement dit le vide et le plein. Quand l’esprit humain produit des idées, est plein d’images, s’émeut de passions, alors il n’est apte à connaître que les effets du principe, les êtres sensibles distincts. Quand l’esprit humain, abso­lument arrêté, est complètement vide et calme, il est un miroir pur et net, capable de mirer l’essence ineffable et innommable du Principe lui-même. — Comparez Chapitre 32.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 1

La voie qui pourrait être une voie

n'est pas la voie éternelle.

Le nom qui pourrait la nommer

n'est pas un nom éternel.

Sans nom¹,

elle est le commencement du ciel et de la terre.

Ayant un nom,

elle est la mère de milliers d'êtres.

Ainsi, Toujours-sans-Désirs²,

parce qu'il contemple son excellence,

et Toujours-avec-Désirs,

parce qu'il contemple ses limites.

Ces deux sortent de la même façon,

mais leurs noms sont différents.

Ensemble ils s'appellent profondeur,

obscurité plusieurs fois cachée,

accès à toutes les merveilles.

1. avant l'avènement de l'homme

2. "Toujours-sans-Désirs peut être un nom chez les petits" (chapitre 34)

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 1

La Voie vraiment Voie est autre qu’une voie constante.

Les Termes vraiment Termes sont autres que des termes

constants.

Le terme Non être indique le commencement du ciel et de

la terre ; le terme Être indique la mère des dix mille choses.

Aussi est ce par l’alternance constante entre le Non être

et l’Être que, de l’un, on verra le prodige et, de l’autre, on

verra les bornes.

Ces deux, bien qu’ils aient une origine commune, sont désignés

par des termes différents.

Ce qu’ils ont en commun, je l’appelle le Mystère, le Mystère

Suprême, la porte de tous les prodiges.

***

Le premier paragraphe est fondamental pour la compréhension du

livre entier. L’auteur commence par donner quelques définitions.

Qu’est ce que le Tao (1) ? Le mot Tao signifie « voie ». Or, la caractéristique

d’une voie ordinaire c’est qu’elle est immuable, constante, permanente.

Toutefois la Voie dont il s’agit ici se caractérise par l’idée

contraire : cette voie est la mutabilité perpétuelle elle même. L’Être et

le Non être, la vie et la mort alternent constamment. Il n’y a rien qui

soit fixe ou immuable. Ainsi donc un sens contradictoire est donné à

la notion de « voie ». De tous les paradoxes du Tao tö king celui-ci est

le premier et le plus grand.

Les termes (les « noms ») servent à définir, à arrêter définitivement

le sens d’une notion. Vers le commencement du 3e siècle avant notre

ère, on discutait beaucoup en Chine sur le rapport entre le nom (ou

terme) et la réalité. Les Confucianistes comme Siun tseu étaient d’avis

que, dans un monde statique, le contenu de telle notion se trouvait

fixé une fois pour toutes par tel terme. Les Taoïstes étaient d’avis

contraire : dans un monde sans permanence, changeant sans cesse,

le contenu des notions n’est ni constant ni permanent. C’est pourquoi

les seuls termes justes sont ceux qui expriment cette constante

inconstance : donc le contraire de ce que les Confucianistes ont en

vue.

De beaucoup le plus grand nombre des traducteurs comprennent le

mot tch’ang (2) comme « éternel » et en déduisent un sens tout à fait

différent, en rapport aussi avec une autre interprétation de la première

partie de la phrase, à peu près la suivante : « La Voie qui peut

être suivie (ou : qui peut être exprimée par la parole) n’est pas la Voie

éternelle. Le Nom qui peut être nommé n’est pas le Nom éternel ».

L’idée serait de faire une distinction entre une Voie et un Nom éternels

(un « Noumenon ») et une Voie et un Nom dans le monde des

phénomènes qui sont les seuls dont on puisse parler. Cette conception

me semble erronée.

Les mots rendus ici par « vraiment voie » (plus littéralement : qui

peut être considérée comme la Voie) et « vraiment Termes » (plus

littéralement : « qui peuvent être considérés comme des Termes »)

sont k’o tao (3) et k’o ming (4). A mon avis tao et ming sont em

ployés verbalement avec un aspect factitif. K’o comporte le sens de :

« être digne de, mériter de ». Quant à tao, que plusieurs traducteurs

rendent par « exprimer par la parole », il est vrai que le mot signifie

« dire », mais dans ce sens il n’est employé nulle part ailleurs dans le

Tao tö king. Dans un passage du Tchouang tseu (XXII, 7 ; Legge, II, p.

69) que l’on cite quelquefois pour soutenir cette interprétation, on

lit : « La Voie ne peut pas être exprimée » ; voir mes notes sur XXXV.

Ici toutefois ce n’est pas le mot tao qui est employé pour le verbe,

mais le mot ordinaire yen (5) « dire ».

La négation fei (6) n’est pas une simple négation. Je l’entends dans le

même sens que dans le dicton fameux du sophiste Kong souen Long

: « Cheval blanc n’est point cheval », c’est à dire la notion d’un cheval

blanc n’est pas identique à la notion générale de cheval ; la notion est

une autre.

Dans le troisième alinéa, on peut hésiter sur la ponctuation ; les commentateurs

ne sont pas d’accord. Un critique moderne, entre autres,

Ma Siu louen, ponctue après wou (7) et yeou (8), et prend ming (9)

comme verbe, tout comme je le fais. Si l’on ponctue après ming la traduction

serait : « N’ayant pas de nom elle (c’est à dire la Voie) est le

commencement du ciel et de la terre ; ayant un nom, elle est la mère

des dix mille êtres ». Un autre passage du Tao tö king, XL : (« Le ciel

et la terre et les dix mille êtres sont issus de l’Être ; l’Être est issu du

Non être », corrobore ma conception, ainsi que celui du chapitre II,

où Être et Non être sont opposés l’un à l’autre. Wou yeou « Être Non

être » est même personnifié dans le Tchouang tseu, XXII, 8 (Legge,

II, p. 70). D’autre part, il faut avouer que le commencement de XXXII

(voir mes notes à ce propos) va contre ma conception, ainsi que dans

XXXVII l’expression « simplicité du sans nom » (c’est à dire non dif

férenciée), et XLI, à la fin. Si, à cause de ces objections, l’on préfère la

ponctuation après ming, il faut de toute façon entendre yeou ming et

wou ming au sens d’ » ayant des noms (qui différencient) » et « sans

noms (qui différencient) », c’est à dire ming au pluriel avec le sens

technique de « terme ». Ayant pesé le pour et le contre, surtout en me

rapportant à ce qui suit, où wou et yeou sont de nouveau contrastés,

je ponctue comme je le fais. Cet alinéa établit le rapport entre les

deux notions Voie et Terme du début. L’alternance entre le Non être

et l’Être est la nature même de la Voie ; ces deux notions sont plus

exactement définies ici.

Pour l’image de la « mère » il faut comparer aussi XX, XXV et LII, ainsi

que mes notes.

Dans le quatrième alinéa, dont les deux lignes riment, il faut de nouveau

se demander où placer la virgule : après wou (« ne pas avoir

») et yeou (« avoir ») ou après yu (10 ; « désirer ») ? Les deux leçons

ont été défendues par les commentateurs chinois. Les traducteurs

semblent tous, à l’exception de Tch’ou Ta kao, avoir choisi la

seconde. Les commentateurs modernes, tels que Ma Siu louen et

Kao Heng, choisissent la première. Tenant compte du contexte et du

sens de tout le chapitre, je ponctue avant yu. Il ne s’agit pas ici du

contraste : « avoir des désirs » et « être sans désirs », que l’on trouve

exprimé dans la plupart des traductions ; ce n’est pas là le problème.

La phrase tch’ang wou yu (11) « constamment sans désirs » dans

le chapitre XXXIV, que l’on pourrait citer pour soutenir cette interprétation,

est évidemment une interpolation, faite sous l’influence de

l’autre ponctuation. S’il s’agissait de désirs, la suite logique serait de

parler d’abord « d’avoir des désirs » comme l’état normal et ensuite

« d’être sans désirs » comme l’état qu’un Taoïste peut atteindre. S’il

s’agit de la nature de la Voie, au contraire, il est parfaitement juste

de mentionner d’abord le « Non être » (comme d’ailleurs dans la

phrase précédente) et en second lieu seulement « l’Être ». Le mot

tch’ang « constant », deux fois répété en antithèse, a le sens d’ » alternance

constante ». Dans le Tchouang tseu, XXXIII (Legge, II, p. 226),

il est dit de la doctrine de Lao Tan (c’est à dire Lao tseu) qu’elle est «

construite sur (le principe) (de l’alternance) constante du Non être

et de l’Être », kien tche yu tch’ang wou yeou (12).

J’entends yu « désirer » comme dans tsiang yu (13), que l’on trouve

dans le Tao tö-king (p. ex. ch. XXXVI) pour exprimer la notion de

l’avenir ; du reste on trouve le mot seul ailleurs, comme dans le Kia

yu, II, 10b : wou yu yen « (si) j’allais dire ».

Dans l’alinéa suivant il me semble que « ces deux » ne peut guère se

rapporter à autre chose qu’au « Non être » et à l’ » Être », notions qui

sont maintenues systématiquement dans tout le chapitre. Les commentaires

qui le comprennent autrement ne savent pas trop qu’en

faire. Ici encore on peut hésiter sur la ponctuation : une virgule après

le premier t’ong (15) « commun, semblable », ou après tch’ou (16)

« sortir ». Quoique Ma Siu louen (et, parmi les traducteurs, Legge et

Tch’ou Ta kao) suivent la première leçon, et que, de plus, t’ong puisse

faire rime avec le ming suivant, je préfère l’autre ponctuation, le système

des rimes étant assez incertain. Pour la dernière fois dans ce

chapitre, toute la nature de la Voie, dans ses deux aspects d’ « Être »

et de « Non être », est résumée. Ce que ces deux ont en commun, c’est

la Voie, dont on déclare qu’elle est un mystère impénétrable. Pour le

mot huan (17), « mystère », voir mes notes sur le chapitre VI.