道 德 經
DÀO DÉ JĪNG


CH01CH02CH03CH04CH05CH06CH07CH08CH09
CH10CH11CH12CH13CH14CH15CH16CH17CH18
CH19CH20CH21CH22CH23CH24CH25CH26CH27
CH28CH29CH30CH31CH32CH33CH34CH35CH36
CH37CH38CH39CH40CH41CH42CH43CH44CH45
CH46CH47CH48CH49CH50CH51CH52CH53CH54
CH55CH56CH57CH58CH59CH60CH61CH62CH63
CH64CH65CH66CH67CH68CH69CH70CH71CH72
CH73CH74CH75CH76CH77CH78CH79CH80CH81


daodejing.org/20.html

ctext.org/dictionary.pl?if=en&id=11611

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laozirecited.com/#20

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WB--------------------------------------------
HSG------------------------------------------
FY----------------------------------
MWDA--------<----------------------------------
MWDB----------------------------------------氵勿--------
GD---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
YDDJ--------------------------------------氵勿--------


jué xué yōuwéi zhī ēxiāng shàn zhī èxiāng ruò rén zhī suǒ wèi wèihuāng wèi yāng zāizhòng rén xiǎng tài láo chūn dēng tái wèi zhào yīng ér zhī wèi háiléi léi ruò suǒ guīzhòng rén jiē yǒu ér ruò rén zhī xīn zāidùn dùn rén zhāo zhāo ruò hūn rén chá chá mèn mèndàn ruò hǎiliáo ruò zhǐzhòng rén jiē yǒu ér wán rénér guì shí
juécouper trancher, rompre, terminer-#P #W #C #Z
xuéapprentissage connaissance école#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
yōutriste affligé chagrin, mélancolie#P #W #C #Z
wéiseulement simplement, justement, souhait oui#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
et avec à; pour; donner, accorder#P #W #C #Z
ēpréfixe pour les noms de personnes  utilisé en translittération-#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
s'en aller partir, partir-#P #W #C #Z
combien? combien? quelques-uns, certains-#P #W #C #Z
quoi pourquoi, où, quoi, comment-#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
et avec à; pour; donner, accorder#P #W #C #Z
èmal méchant, mauvais moche, immonde#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
s'en aller partir, partir-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
quoi pourquoi, où, quoi, comment-#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
suǒcelui qui lieu, emplacement, endroit-#P #W #C #Z
wèipeur effroi, respect, révérence-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
wèipeur effroi, respect, révérence-#P #W #C #Z
huāngterrain vague désert inculte#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
wèipas encore 8ème branche terrestre-#P #W #C #Z
yāngcentrer conclure, sortir mendier#P #W #C #Z
zāiparticule exclamative finale--#P #W #C #Z
zhòngmultitude foule messes, public#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
brillant splendide, glorieux-#P #W #C #Z
brillant splendide, glorieux-#P #W #C #Z
si en supposant comme si; comme, comme#P #W #C #Z
xiǎngApprécier jouir, jouir de, savourer, prendre plaisir, trouver agréable-#P #W #C #Z
tàitrès trop grand; extrême#P #W #C #Z
láoprison stable, stylo sécurisé#P #W #C #Z
si en supposant comme si; comme, comme#P #W #C #Z
chūnprintemps capricieux-#P #W #C #Z
dēngs'élever monter, monter à bord, grimper-#P #W #C #Z
táitour belvédère scène, plateforme#P #W #C #Z
notre nous, je, moi, mon, nous-#P #W #C #Z
seul célibataire, solitaire, seulement-#P #W #C #Z
avoir peur avoir peur de inquiet#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
wèipas encore 8ème branche terrestre-#P #W #C #Z
zhàoprésage million méga; également des milliards. Chine = millions ; Japon et Taiwan = mille milliards#P #W #C #Z
si en supposant comme si; comme, comme#P #W #C #Z
yīngbébé nourrisson déranger#P #W #C #Z
érfils enfant, soi-même dernière partie#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
wèipas encore 8ème branche terrestre-#P #W #C #Z
háibébé enfant enfants#P #W #C #Z
léiparesseux fatigué, usé, fatigué-#P #W #C #Z
léiparesseux fatigué, usé, fatigué-#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
suǒcelui qui lieu, emplacement, endroit-#P #W #C #Z
guīretour revenir à, revenir à-#P #W #C #Z
zhòngmultitude foule messes, public#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
jiētout tout, tout le monde-#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
surplus surplus, reste-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
notre nous, je, moi, mon, nous-#P #W #C #Z
seul célibataire, solitaire, seulement-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
perdre objets perdus  omettre#P #W #C #Z
notre nous, je, moi, mon, nous-#P #W #C #Z
stupide idiot, insensé-#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
xīncœur esprit, intelligence âme#P #W #C #Z
aussi particule finale classique d'affirmation ou d'identité forte-#P #W #C #Z
zāiparticule exclamative finale--#P #W #C #Z
dùnchaotique confus trouble, trouble#P #W #C #Z
dùnchaotique confus trouble, trouble#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
coutumes sociales vulgaire, non raffiné-#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
zhāobrillant lumineux illustre#P #W #C #Z
zhāobrillant lumineux illustre#P #W #C #Z
notre nous, je, moi, mon, nous-#P #W #C #Z
seul célibataire, solitaire, seulement-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
hūncrépuscule tombée de la nuit, crépuscule, sombre-#P #W #C #Z
coutumes sociales vulgaire, non raffiné-#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
cháexaminer enquêter avis#P #W #C #Z
cháexaminer enquêter avis#P #W #C #Z
notre nous, je, moi, mon, nous-#P #W #C #Z
seul célibataire, solitaire, seulement-#P #W #C #Z
mènsombre déprimé, mélancolique-#P #W #C #Z
mènsombre déprimé, mélancolique-#P #W #C #Z
dàncalme tranquille, tranquille-#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
hǎimer océan maritime#P #W #C #Z
liáovent en hauteur--#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
zhǐarrêter arrêter, renoncer détenir#P #W #C #Z
zhòngmultitude foule messes, public#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
jiētout tout, tout le monde-#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
notre nous, je, moi, mon, nous-#P #W #C #Z
seul célibataire, solitaire, seulement-#P #W #C #Z
wánobstiné têtu récalcitrant#P #W #C #Z
ressembler semblable à comme si, semble-t-il#P #W #C #Z
signifier faible-#P #W #C #Z
notre nous, je, moi, mon, nous-#P #W #C #Z
seul célibataire, solitaire, seulement-#P #W #C #Z
différent inhabituel, étrange-#P #W #C #Z
dans à, sur interjection hélas !#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
guìcher chérir coûteux, précieux#P #W #C #Z
shímanger repas nourriture#P #W #C #Z
mère les femmes âgées femelle#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 20

Arrêtez de penser et mettez fin à vos problèmes.

Quelle différence y a-t-il entre oui et non ?

Quelle différence y a-t-il entre le succès et l'échec ?

Devez-vous valoriser ce que les autres valorisent et

éviter ce que les autres évitent ?

C'est ridicule !

D'autres sont excités,

comme s'ils étaient à un défilé.

Moi seul, je m'en fiche,

je suis seul, sans expression,

comme un enfant avant de pouvoir sourire.

Les autres ont ce dont ils ont besoin,

moi seul je ne possède rien.

Je suis seul à la dérive,

comme quelqu'un qui n'a pas de chez-soi.

Je suis comme un idiot, mon esprit est si vide.

Les autres sont brillants,

moi seul suis sombre.

Les autres sont plus perspicaces,

moi seul suis terne.

Les autres ont un but,

moi seul je ne le sais pas.

Je dérive comme une vague sur l'océan,

je souffle sans but comme le vent.

Je suis différent des gens ordinaires.

Je bois aux seins de la Grande Mère.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XX

海,飂兮若無止,衆人皆有以,而我獨頑似鄙。我獨異於人,而貴食母。


Renoncez à l’étude, et vous serez exempt de chagrins (1).

Combien est petite la différence (2) de weï (un oui bref) et de o (un oui lent) !

Combien est grande la différence du bien et du mal !

Ce que les hommes craignent, on ne peut s’empêcher de le craindre (3).

Ils s’abandonnent au désordre et ne s’arrêtent jamais (4).

Les hommes de la multitude sont exaltés de joie (5) comme celui qui se repaît de mets succulents (6), comme celui qui est monté, au printemps, sur une tour élevée.

Moi seul je suis calme : (mes affections) n’ont pas encore germé (7).

Je ressemble à un nouveau-né qui n’a pas encore souri à sa mère (8).

Je suis détaché de tout (9) ; on dirait que je ne sais où aller.

Les hommes de la multitude ont du superflu (10) ; moi seul je suis comme un homme qui a perdu tout.

Je suis un homme d’un esprit borné, je suis dépourvu de connaissances (11).

Les hommes du monde sont remplis de lumières ; moi seul je suis comme plongé dans les ténèbres.

Les hommes du monde sont doués de pénétration ; moi seul (12) j’ai l’esprit trouble et confus. Je suis vague comme la mer (13) ; je flotte (14) comme si je ne savais où m’arrêter.

Les hommes de la multitude ont tous de la capacité (15) ;moi seul je suis stupide ; je ressemble à un homme rustique (16).

Moi seul je diffère des autres hommes, parce que je révère la mère (17) qui nourrit (tous les êtres).


NOTES.

(1) C : Lao-tseu ne veut pas dire qu’il faut renoncer à toute espèce d’étude. Il parle des études vulgaires qui occupent les hommes du monde. B : Ceux qui étudient la littérature et les sciences craignent toujours que leurs connaissances ne soient pas assez étendues. Ils cherchent la science en dehors, et s’affligent constamment de l’insuffisance de leurs progrès. Mais le saint homme trouve en lui-même tout ce dont il a besoin, et il n’y a rien qu’il ne sache ; c’est pourquoi il est exempt de chagrins.

E : Les sages de l’antiquité étudiaient pour rechercher les principes intérieurs de leur nature. A l’exception de ces principes, ils n’appliquaient leur esprit à rien. C’est ce qu’on appelle pratiquer le non-agir, et faire consister son étude dans l’absence de toute étude. Mais quand les hommes eurent perdu ces principes, ils se pervertirent et se livrèrent aux études du monde. Une apparence spécieuse éteignit et remplaça la réalité. L’étendue des connaissances corrompit (litt. « noya » ) leur cœur. Au fond, ces études (du monde) n’ont aucune utilité et ne font au contraire qu’augmenter leurs chagrins. Le but le plus noble de l’étude est de nourrir notre nature (de la conserver dans sa pureté primitive) ; le meilleur moyen de nourrir sa nature est de se dégager de tout embarras. Mais aujourd’hui les études du monde nous appliquent aux choses extérieures qui enchaînent nos dispositions naturelles. N’est-ce pas comme si l’on prenait des médicaments qui ne feraient qu’augmenter la maladie ?Que l’homme renonce à ces études mondaines et ne les cultive pas ; alors il pourra être exempt de chagrins.


(2) B : Weï signifie un oui prononcé rapidement (lorsqu’on reçoit un ordre et qu’on va l’exécuter sur-le-champ) ; ce mot est respectueux. Le mot o signifie un oui prononcé d’une voix lente (lorsqu’on reçoit un ordre et qu’on ne se presse pas de l’exécuter) ; ce mot annonce un manque de respect. Ce sont tous deux des sons employés pour répondre, et sous ce rapport ils différent légèrement l’un de l’autre ; mais si l’on considère que l’un est respectueux et que l’autre annonce un manque de respect, ils diffèrent immensément.

On voit par là que certaines choses, qui ne diffèrent entre elles que de l’épaisseur d’un cheveu, peuvent cependant différer immensément sous le rapport des avantages qu’elles procurent ou des malheurs qu’elles peuvent causer. Si l’homme veut échapper au mal, il ne peut se dispenser d’être sur ses gardes et de craindre les fautes les plus légères.

Aliter B : Quand on suit la raison, on fait le bien ; quand on se révolte contre elle, on fait le mal. Ces deux choses émanent également du même cœur, et sous ce rapport il n’y a qu’une petite distance entre elles. Mais si l’on compare leur nature particulière, on reconnaît qu’elles diffèrent immensément.

Ibid. B : Lao-tseu veut montrer par là que le saint homme et l’homme vulgaire se livrent également à l’étude, et que sous ce rapport ils diffèrent légèrement entre eux. Mais si l’on compare la sainteté de l’un au caractère vulgaire de l’autre, on reconnaît qu’ils sont séparés par une distance immense.

Suivant les commentateurs B, E, les mots ki-ho 幾何 signifient « combien peu ! » (c’est-à-dire, sans interjection, ils diffèrent fort peu, pou-to 不多; les mots ho-jo 若何 signifient « combien grand ! » (c’est-à-dire, sans interjection, ils diffèrent beaucoup).


(3) Les commentateurs ne sont pas d’accord sur les choses que Lao-tseu recommande de craindre. Suivant A, il faut craindre (d’avoir) un prince qui n’ait pas renoncé à l’étude (aux études du monde) ; suivant Li-si-tchaï, il faut craindre la vie et la mort.

D : Il craint les lois et les supplices.

H : La musique, la volupté, les richesses et le luxe sont des choses qui usent notre vie et blessent le Tao. Ce sont des choses que les hommes du siècle doivent craindre. Moi aussi je dois les craindre et m’en éloigner.

Sou-tseu-yeou : Quoique le saint homme ne s’attache pas aux choses du monde, cependant il ne méprise pas les lois du siècle, il ne manque pas aux devoirs de sa condition, il ne viole pas les principes de la raison. Quelque rang qu’il occupe dans le monde ou dans l’administration, tout l’empire ne saurait voir en quoi il diffère des autres hommes.


(4) Je suis le commentaire de Ho-chang-kong et H. Le mot yang (vulgo milieu) veut dire ici « s’arrêter, cesser. » Ce sens se trouve aussi dans le dictionnaire Pin-tseu-tsien. (Cf. Morrison, Dictionnaire chinois-anglais, 1re partie, pag. 585.)


(5) Ce sens est tiré du commentaire E.


(6) Littéralement : « Sicut ille qui fruitur bove, id est, bovis carne epulatur. » B : Les hommes désirent avidement la chair du bœuf pour réjouir leur palais ; au printemps, ils montent sur une tour élevée pour contenter leurs yeux.


(7) A : Mes affections et mes désirs ne se sont pas encore montrés. E : Le mot tchao veut dire « le mouvement le plus léger, le plus faible, et, dans un sens verbal, avoir, montrer un mouvement faible et presque imperceptible, apparaître faiblement, » comme les fissures déliées qui se montrent sur l’écaille de la tortue (que l'on brûle pour en tirer des présages).


(8) E : Lorsqu’un nouveau-né peut sourire, ses affections naissent et son cœur commence à s’émouvoir. Lao-tseu veut dire que la multitude des hommes désire avidement les objets extérieurs et ne peut contenir ses transports de joie ; lui seul a un cœur calme qui n’a pas encore commencé à éprouver la plus légère émotion ; il ne sait pas se réjouir de la joie de la multitude.


(9) E : Les mots ching-ching 乘乘 signifient » ne pas s’arrêter et ne pas s’attacher (aux choses du monde). H : Mon cœur ne désire rien ; il est dégagé de tous liens. Je me promène dans le monde avec un cœur vide, je suis comme un bateau dont le câble est brisé.


(10) E : Les hommes de la multitude ont beaucoup acquis ; tous ont du superflu. Mais moi, je ne possède pas une seule chose. Seul entre tous, je suis comme un homme qui a perdu ce qu’il possédait. Mais la possession est une chose illusoire ; c’est lorsqu’on ne possède rien qu’on possède de véritables richesses. (L’expression « ne posséder rien » s’entend des choses du monde ; « posséder de véritables richesses » se dit des richesses intérieures du sage qui s’est complètement dépouillé des choses sensibles.)


(11) E : L’expression chun-chun 沌沌 signifie « dépourvu de connaissances, ignorant. »


(12) H, E : Les mots men-men 悶悶 (vulgo triste) signifient ici « troublé, confus. »


(13) A : Je suis vague comme les fleuves et les mers ; personne ne connaît mes limites. C : Le cœur de l’homme parfait n’a point de bornes ; il est (dit Sou tseu-yeou) comme une mer dont on ne peut découvrir les lointains rivages.


(14) C : Je suis comme un navire vide qui flotte au gré des eaux,comme une feuille d’arbre qu’emporte le vent.


(15) Le mot i (vulgo se servir) est rendu dans le commentaire B, et dans plusieurs autres, par neng « capacité. »

Aliter E : I veut dire weï « agir. » Tous les hommes se livrent à l’action (l’opposé du non-agir).


(16) E : Je suis comme un homme des champs, un homme qui a des dehors rudes et agrestes (par opposition avec les hommes polis des villes).


(17) C’est-à-dire, le Tao. Suivant E, G, le mot chi, « manger, » doit se lire ici sse, « nourrir. »

E : L’expression sse-mou 食母 a le même sens que jeou-mou 乳母, « nourrice. » Ibid. Tous les êtres ont besoin de l’assistance du Tao pour naître (et vivre). C’est pourquoi on l’appelle la mère de tous les êtres. De là lui vient la dénomination de sse-mou 食母, « la nourrice par excellence. »

Je révère (ibid.) la nourrice des êtres (le Tao). Voilà ce que la multitude des hommes ne fait pas, et ce que j’aime à faire. C’est en cela que je suis différent d’eux.

Li-si-tchaï : Ce n’est pas qu’en réalité je sois un homme stupide. Si je diffère de la multitude, c’est que je connais le principal (la chose essentielle), je pénètre jusqu’à la source, je ne me laisse pas entraîner par le torrent des choses mondaines. Voilà ce que j’appelle « révérer la mère qui nourrit tous les êtres. »


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 20

Renoncez à l'étude
et vous connaîtrez la paix.
Entre oui et non
la frontière est bien mince.
Le bien et le mal sont entremêlés.
La peur qu'éprouve
le commun des mortels
ne doit pas effleurer votre cour.
Les hommes courent
aux festins de la vie.
Ils cueillent les fleurs du printemps,
du printemps qui annonce la vie.
Mais moi seul reste calme,
étranger au tumulte,
comme le nouveau-né
qui n'a pas encore souri.
Je suis seul.
Immobile.
Je parais démuni de tout,
je parais ignorant,
je parais abandonné,
sans but, sans logis.
La multitude s'affaire
à accroître ses biens.
Moi seul ne possède rien.
L'homme de la foule
a des idées sur tout.
Moi seul hésite.
L'homme de la foule
est actif, efficace.
Seul,
je reste immobile.
Je regarde sans voir.
Mes pensées, égarées,
m'échappent pour danser,
dans les nuages et le vent,
parmi les vagues de l'océan.
La multitude des hommes s'affaire,
réalise,
construit.
Je demeure absent,
délaissé,
inutile.
Et pourtant,
mes haillons cachent
la plus grande des richesses.
Seul,
je diffère des autres.
Je suis l'enfant
de la Mère universelle.
L'enfant du Tao.


MA KOU 1984 CHAPITRE 20

Rompre avec l’étude délivre des soucis.

Quelle différence existe
Entre affirmation et approximation ?
Quelle distance existe
Entre ce que l’on juge bon ou mauvais ?

La crainte est la peur de l’homme
Il faut la polir au-delà de toute limite.

Les gens du peuple rient
Comme s’ils festoyaient à la fête de tai-lao (grand sacrifice de trois animaux)
Ou s’ils grimpaient aux terrasses du printemps.

Seul, je reste l’esprit vide.
Sans signes révélés
Comme le tout nouveau né qui ne sait pas rire.
Errant sans but et comme sans logis.

Chacun gère ses possessions
Seul, je parais démuni de tout.
Les gens du peuple savent tout
Seul, je parais ignorant.
Les gens du peuple sont affairés
Seul, je parais calme.

Mon esprit est changeant comme la mer.
Il souffle léger comme le vent, libre comme l’air.

Chacun suit ses résolutions
Seul, je parais gauche et inutile.
Seul, je diffère des autres
Et respecte la mère nourricière.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 20

Renoncer à l'étude délivre de l'inquiétude. Entre acquiescer et consentir la nuance est bien petite; mais combien diffèrent le bien et le mal
Ce que les hommes redoutent, on ne peut pas ne pas le craindre, mais pas au point d'en être troublé, anéanti.
Tous les hommes sont pleins d'ardeur, exaltés comme pour un festin, semblables à ceux qui font une ascension au printemps. Mois seul suis calme, sans réactions, comme le nouveau-né qui n'a pas encore souri, errant sans dessein, sans but!
Les autres hommes ont tous du superflu; moi seul suis un déshérité, mon coeur est celui d'un simple d'esprit, trouble! confus! L'homme de la foule est éclairé; moi seul suis plongé dans la pénombre. L'homme de la foule est précis, perspicace; seul je suis replié sur moi-même, mouvant comme la mer, flottant sans arrêt. La multitude des hommes se rend utile; moi seul suis inapte, semblable un paria.
Moi seul diffère des autres hommes parce que je vénère la Mère nourricière.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 20

Renoncez à toute science, et vous serez libre de tout souci. Qu’est-ce que la différence entre les particules wei et a (sur laquelle les rhéteurs ont tant à dire) ? Qu’est-ce que la différence entre le bien et le mal (sur laquelle les critiques n’arrivent pas à s’accorder) ? (Ce sont là des futilités, qui empêchent d’avoir l’esprit libre. Or la liberté d’esprit est nécessaire, pour entrer en relations avec le Prin­cipe.)
Sans doute, parmi les choses que les hommes vulgaires craignent, il en est qu’il faut craindre aus­si ; mais pas comme eux, avec trouble d’esprit, jusqu’à en perdre son équilibre mental.
Il ne faut pas non plus se laisser déséquilibrer par le plaisir, comme il leur arrive, quand ils ont fait un bon repas, quand ils ont regardé le paysage du haut d’une tour au printemps avec accompagne­ment de vin, etc.)
Moi (le Sage), je suis comme incolore et indéfini ; neutre comme l’enfançon qui n’a pas encore éprouvé sa première émotion ; comme sans dessein et sans but.
Le vulgaire abonde (en connaissances variées), tandis que moi je suis pauvre (m’étant défait de toute inutilité), et comme ignare, tant je me suis purifié. Eux paraissent pleins de lumières, moi je parais obscur. Eux cherchent et scrutent, moi je reste concentré en moi. Indéterminé, comme l’immensité des eaux, je flotte sans arrêt. Eux sont pleins (de talents), tandis que moi je suis comme borné et inculte.
Je diffère ainsi du vulgaire, parce que je vénère et imite la mère nourricière universelle, le Principe.
Le texte de ce chapitre varie dans les diverses éditions; il doit avoir été mutilé ou retouché. Les commentaires diffèrent aussi beaucoup les uns des autres. L’obscurité provient, je pense, de ce que Lao-tzeu parlant de lui-même, et se proposant comme modèle des disciples du Principe, n’aura pas voulu parler plus clair. Tchang-houngyang me paraît avoir le mieux interprété sa pensée.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 20

Réduis l'étude sans inquiétude,

seul ou accompagné de flatteurs.

Les uns se débarrassent de quelques

"quelle bonté est accompagnée de mal ?"

Les autres se débarrassent de

"quels hommes et quels endroits craindre ?"

On ne peut pas ne pas craindre

les endroits incultes, où il faut presque mendier, en effet !

De nombreux hommes sont brillants et florissants,

comme s'ils jouissaient de la plus grande écurie,

comme si l'amour montait sur scène.

Moi seul suis à l'ancre, comme en attente d'un signe,

comme le fils nouveau-né, pas encore enfant,

qui accumule et entasse,

comme s'il n'avait pas d'endroit où retourner.

Tous les hommes ont des surplus,

moi seul suis comme un perdant.

Je suis un idiot,

dont l'esprit est également confus et chaotique !

L'homme commun brille et illumine,

moi seul suis un crépuscule sombre.

L'homme commun examine et observe,

moi seul m'ennuie et déprime,

calme comme la mer,

un vent fort qui semble ne pas s'arrêter.

Tous les hommes ont un usage,

moi seul suis bête comme un village isolé.

Moi seul diffère entre les hommes,

mais ma mère¹ est un précieux repas.

1. voir le premier chapitre.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 20

Abolis l’étude, et tu seras sans soucis.

« La petite différence entre ‘oui’ et ‘oh oui’ », « la grande

différence entre ‘le bien’ et ‘le mal’ », « que l’on doit

craindre ce que d’autres craignent » — comme (l’étude de

ces choses) est illimitée ! On n’en vient jamais à bout !

Mais, quand tous les hommes ont une réunion joyeuse,

comme pour la célébration d’un grand sacrifice ou l’ascension

d’une terrasse en printemps, alors moi seul, en repos,

je ne donne aucun signe, comme un nourrisson qui ne sait

pas encore sourire, abandonné, comme quelqu’un qui ne

sait de quel côté se tourner ! Quand tous les hommes ont

surabondance, moi seul je suis comme quelqu’un qui a

tout perdu. Cela vient de ce que j’ai le coeur d’un imbécile,

aussi niais !

Que les gens ordinaires soient éclairés, moi seul je suis dans

l’obscurité ! Que les gens ordinaires soient clair¬voyants,

moi seul je suis myope ! De faible lueur comme la lune

dans sa dernière phase ! Tournoyant comme si je n’avais

où me tenir ! Alors que tous les hommes ont quelque chose

(qu’ils savent faire), moi seul je suis ignorant comme un

paysan ! Moi seul je diffère des autres hommes, en ce que

je prise me nourrir de la Mère.

***

La première phrase que certains commentateurs voudraient ajouter

au chapitre précédent est à mon avis la clef de ce passage. L’étude

des règles formelles de l’étiquette et de la bonne conduite est sans

fin. « Je » (c’est à dire le vrai Taoïste : ce « je » n’est pas à prendre en

un sens biographique, comme se rapportant exclusivement à l’auteur

du Tao tö king lui-même) ne m’en occupe pas. Quant aux mots

rituels pour dire « oui », qu’on compare le Li-ki (Couvreur I, p. 673) :

« Dès qu’il commençait à parler, on lui enseignait à répondre oui d’un

ton décidé (wei, 72, le mot qui est employé ici) si c’était un garçon,

d’un ton humble et soumis (Yu, 73) si c’était une fille.

Voir aussi Po hou t’ong, 4, 12b, où, dans un contexte cérémoniel, le fils

répond à son père : wei (Tjan Tjoe Som, Sinica Leidensia, VI, 1949, p.

250) et les Entretiens de Confucius, IV, 15.

Pour « craindre ce que d’autres craignent », comparer les Entretiens

de Confucius, XVI, 8 :

« Le maître dit : « Il y a trois choses que l’homme noble craint. Il

craint les décrets du ciel ; il craint les grands hommes ; il craint les

paroles des sages.

De même, lorsque les rites donnent lieu à des réunions en apparence

très gaies, « je » m’en abstiens. « Je » suis en contraste complet avec

tous les autres hommes. « Je » parais stupide et borné là où d’autres

semblent pleins de science et de compréhension. (Pour les expressions

« clairvoyant » et « myope », comparer le chapitre LVIII) : « je »

reste dans l’ombre et ne me fais pas valoir. « Je » bois à la Mère, c’est

à dire « je » médite la Voie où sont compris tous les autres phénomènes.

L’image de la Mère est employée aussi dans I, XXV et LII. Certains savants,

notamment M. Ed. Erkes, ont beaucoup insisté sur cette image

et ont voulu considérer le Tao (la Voie) comme une Déesse mère. Je

ne saurais nier que, d’un point de vue psychologique, il est intéressant

de retrouver dans la mystique taoïste l’image de la Mère, image

familière à tous les mystiques, mais je tiens pour erronée toute tendance

à personnifier la Voie, au moins dans le Taoïsme classique. Au

lieu de che mou (74) « manger la mère, boire à la mère », on a proposé

de lire tö mou (75) « obtenir la mère », comme au chapitre LII.

Plusieurs leçons, dans ce chapitre, ne sont pas très sûres. Ma traduction

« de faible lueur comme la lune dans sa dernière phase » repose

sur une variante houei (76), « dernier jour de la lune », au lieu de hai

(77), « mer », qui n’en diffère que par la clef. Cette leçon me paraît

vraisemblable, parce que je ne vois pas bien comment un caractère

très usuel comme hai se serait corrompu en un caractère beaucoup

plus rare comme houei ; l’inverse peut avoir eu lieu très facilement.

Si on lit hai, la traduction pourrait être (en lisant tan 78 au lieu de tan

79, ou encore hou 80, pour le premier mot) : « agité comme la mer ».

Il est douteux que cette phrase et la suivante, qui interrompent la

pensée, soient à leur place dans ce chapitre. Ma Siu louen voudrait

les transférer à XXV, où elles se rapporteraient à la Voie. Si je ne le

suis pas dans cette correction, c’est qu’à mon avis le sens s’y oppose.

Pour la phrase « comme si je n’avais où me tenir », voir l’explication

du mot tche (58) dans les notes de XXXII.