道 德 經
DÀO DÉ JĪNG


CH01CH02CH03CH04CH05CH06CH07CH08CH09
CH10CH11CH12CH13CH14CH15CH16CH17CH18
CH19CH20CH21CH22CH23CH24CH25CH26CH27
CH28CH29CH30CH31CH32CH33CH34CH35CH36
CH37CH38CH39CH40CH41CH42CH43CH44CH45
CH46CH47CH48CH49CH50CH51CH52CH53CH54
CH55CH56CH57CH58CH59CH60CH61CH62CH63
CH64CH65CH66CH67CH68CH69CH70CH71CH72
CH73CH74CH75CH76CH77CH78CH79CH80CH81


daodejing.org/10.html

ctext.org/dictionary.pl?if=en&id=11601

tao-te-king.org/10.htm

daoisopen.com/downloads/CC10.pdf

daoisopen.com/downloads/About the Charts.pdf

laozirecited.com/#10

nouveautestament.github.io/DAODEJING/index.html

github.com/nouveautestament/DAODEJING



WB------------
HSG----------------------
FY------
MWDA--<------------
MWDB------------
GD------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
YDDJ------------


zài yíng bào néng zhuān zhì róunéng yīng ér chú xuán lǎnnéng ài mín zhì guónéng zhī tiān mén kāi néng wéi míng bái néng zhī shēng zhī zhīshēng ér yǒuwéi ér shìcháng ér zǎishì wèi xuán
zàicharger porter transporter, véhiculer#P #W #C #Z
yíngcampement caserne, tente gérer#P #W #C #Z
âme-corporelle vigueur, corps partie sombre de la lune#P #W #C #Z
bàoembrasser prendre dans les bras, envelopper-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
néngpouvoir peut, autorisé à capacité#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
partir partir s'en aller; séparé#P #W #C #Z
particule finale interrogative ou exclamative--#P #W #C #Z
zhuānmonopoliser prendre seule possession concentrer#P #W #C #Z
air gaz, vapeur, vapeur esprit#P #W #C #Z
zhìenvoyer livrer, présenter  cause#P #W #C #Z
róudoux doux, souple-#P #W #C #Z
néngpouvoir peut, autorisé à capacité#P #W #C #Z
yīngbébé nourrisson déranger#P #W #C #Z
érfils enfant, soi-même dernière partie#P #W #C #Z
particule finale interrogative ou exclamative--#P #W #C #Z
laver nettoyer, purifier balayer#P #W #C #Z
chúéliminer supprimer, sauf-#P #W #C #Z
xuánprofond profond, abstrus-#P #W #C #Z
lǎnregarder inspecter percevoir#P #W #C #Z
néngpouvoir peut, autorisé à capacité#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
défaut faute, défaut maladie#P #W #C #Z
particule finale interrogative ou exclamative--#P #W #C #Z
àiaimer aimer, comme-#P #W #C #Z
mínpersonnes sujets citoyens, peuple#P #W #C #Z
zhìgouverner réglementer, administrer-#P #W #C #Z
guónation pays, État-nation-#P #W #C #Z
néngpouvoir peut, autorisé à capacité#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
particule finale interrogative ou exclamative--#P #W #C #Z
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
ménporte portail entrée, ouverture#P #W #C #Z
kāiouvrir initier, commencer, commencer-#P #W #C #Z
fermer entier, entier tous; feuille#P #W #C #Z
néngpouvoir peut, autorisé à capacité#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
femelle féminin doux, doux#P #W #C #Z
particule finale interrogative ou exclamative--#P #W #C #Z
míngbrillant léger, brillant clair#P #W #C #Z
báiblanc pur, sans tache brillant#P #W #C #Z
Quatre--#P #W #C #Z
arriver atteindre intelligent#P #W #C #Z
néngpouvoir peut, autorisé à capacité#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, absence, n'ai pas#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
particule finale interrogative ou exclamative--#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
bétail nourrir, fourrager-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
shìcompter sur se fier à, faire confiance à présumer, se vanter de#P #W #C #Z
chánglong longueur exceller dans; chef#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
zǎiabattre gouverner-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
wèidit appeler, nommer être appelé#P #W #C #Z
xuánprofond profond, abstrus-#P #W #C #Z
vertu moralitééthique#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 10

Pouvez-vous détourner votre esprit de ses errances

et rester dans l'unité originelle ?

Pouvez-vous laisser votre corps devenir

souple comme celui d'un enfant nouveau-né ?

Pouvez-vous purifier votre vision intérieure

jusqu'à ne plus voir que la lumière ?

Pouvez-vous aimer les gens et les guider

sans imposer votre volonté ?

Pouvez-vous traiter les questions les plus vitales

en laissant les événements suivre leur cours ?

Pouvez-vous prendre du recul par rapport à votre propre esprit

et ainsi comprendre toutes choses ?

Donner naissance et nourrir,

avoir sans posséder,

agir sans attentes,

diriger et ne pas chercher à contrôler :

telle est la vertu suprême.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE X

L’âme spirituelle (1) doit commander à l’âme sensitive.

Si l’homme conserve l’unité (2), elles pourront rester indissolubles.

S’il dompte sa force vitale (3) et la rend extrêmement souple, il pourra être comme un nouveau-né (4).

S’il se délivre des lumières de l’intelligence (5) il pourra être exempt de toute infirmité (morale).

S’il chérit le peuple et procure la paix au royaume, il pourra pratiquer le non-agir.

S’il laisse les portes du ciel s’ouvrir et se fermer (6), il pourra être comme la femelle (c’est-à-dire rester en repos).

Si ses lumières pénètrent en tous lieux, il pourra paraître ignorant  (7).

Il produit les êtres  (8) et les nourrit.

Il les produit et ne les regarde pas comme sa propriété.

Il leur fait du bien et ne compte pas  (9) sur eux.

Il règne sur eux  (10) et ne les traite pas en maître  (11).

C’est ce qu’on appelle posséder une vertu profonde.


NOTES.

(1) Ce passage a beaucoup embarrassé les commentateurs de Lao-tseu. La plupart remplacent le mot ing (vulgo camp) par le mot hoen (Basile, 12750), « âme spirituelle, » qu’ils placent avant tsaï .Sou-tseu-yeou : Le naturel du saint homme est calme et reposé, la partie spirituelle de son être est invariablement fixée,elle n’est point entraînée ni pervertie par les objets matériels. Quoiqu’elle ait pris le principe animal pour sa demeure (un autre auteur dit : pour sa coquille, c’est-à-dire son enveloppe), cependant le principe animal, l’âme animale, lui obéit dans tout ce qu’elle veut faire. Alors on peut dire que le principe spirituel transporte le principe animal (c’est-à-dire le mène, lui commande). Les hommes de la multitude soumettent leur nature aux objets extérieurs,leur esprit se trouble, et alors l’âme spirituelle obéit à l’âme animale. Lao-tseu apprend aux hommes à conserver leur esprit, à conserver l’âme sensitive, à faire en sorte que ces deux principes ne se séparent pas. E rend tsaï par « recevoir » (fol. 13 r°),et les mots ing-pe 營魄 par « âme intelligente » (fol. 13 v°, l. 7) ;ce qui permettrait de traduire « (l’homme) a reçu une âme intelligente. » Le même interprète ajoute, pour expliquer les cinq mots suivants : « S’il emploie sa volonté sans la partager (entre les choses du monde), son esprit se conservera constamment. » Plus bas,fol. 15 v°, l. 3, il revient au sens plus généralement reçu et conseille la leçon rapportée plus haut 魂營魄 (voy. p. 34. lig. 19),au lieu de tsaï-ing-pe 載營魄. Seulement il rend le mot tsaï d’une manière différente, savoir, par « être porté sur, » ou « être « porté par, » (Ibid. fol. 15 r°, lig. 9) : Les sages qui cultivent le Tao font en sorte que l’âme spirituelle (hoen) soit constamment unie,attachée à l’âme animale, de même que l’éclat du soleil est porté sur le corps opaque de la lune (Pi-ching : comme l’homme est porté sur un char, comme un bateau est porté par l’eau). Il fait en sorte que l'âme animale retienne constamment l’âme spirituelle, de même que le corps opaque de la lune reçoit la lumière du soleil. Alors le principe spirituel ne s’échappe pas au dehors et l’âme animale ne meurt pas.


(2) B : L’expression pao-i 抱一, « conserver l’unité, veut dire faire en sorte que notre volonté soit essentiellement une (c’est-à-dire non partagée entre les choses du monde), afin de procurer la quiétude à notre cœur. Alors, dit Hong-fou, l’âme spirituelle et l’âme animale ne se sépareront pas l’une de l’autre.

F explique les mots pao-i 抱一 par « conserver le Tao qui est la véritable unité. »


(3) H : Le mot tchouen veut dire ici tchi , « dompter,subjuguer. » Si la force vitale avait toute son énergie, toute sa violence, elle l’entraînerait dans le désordre.


(4) B : L’enfant nouveau-né n’ayant encore aucune connaissance (D : aucun désir), sa force vitale est extrêmement souple, son cœur n’a rien de déréglé, et la partie spirituelle de son être se conserve dans toute son intégrité.


(5) Pi-ching rend hiouen-lan 玄貲 par « vue, intuition des choses merveilleuses. » Si un grain de poudre d’or entre dans l’œil,il pourra gêner la vision. L’intelligence est un obstacle, la perspicacité est un lien ; c’est pourquoi il faut les extirper et s’en délivrer. Alors (H) on arrivera à la hauteur sublime du Tao. Cette interprétation se retrouve dans plusieurs autres commentaires estimés. Suivant quelques commentateurs, l’auteur parle ici des fausses lumières de l’esprit, qui entraînent l’homme dans l’erreur et le désordre. Il faut les expulser de notre âme , de peur qu’elles ne deviennent une cause de maladie morale, capable de détruire la pureté de notre nature. D’autres interprètes, comme Pi-ching, cité plus haut, H et B, prennent le mot lumières en bonne part, et pensent que Lao-tseu conseille de les expulser, afin que l'âme soit entièrement vide.


(6) E : Les portes du ciel tantôt s’ouvrent, tantôt se ferment. Lao-tseu veut dire que, « lorsqu’il faut s’arrêter, il s’arrête ; lorsqu’il faut marcher (agir), il marche. » Le mot « femelle, » indique le repos ; il répond au mot he « se fermer. »

Ibid. Telle est la voie du saint homme. Quoiqu’on dise que tantôt il se meut, tantôt il reste en repos, cependant il doit prendre la quiétude absolue pour la base de sa conduite. Lorsque le saint homme dirige l’administration du royaume, il n’y a rien qu’il ne voie à l’aide de sa pénétration profonde. Cependant il se conforme constamment aux sentiments et aux besoins de toutes les créatures. Il fait en sorte que les sages et les hommes bornés se montrent d’eux-mêmes, que le vrai et le faux se manifestent spontanément ; et alors il ne se fatigue pas à exercer sa prudence. Les empereurs Yu et Chun suivaient précisément cette voie lorsqu’ils régnaient sur l’empire et le regardaient comme s’il leur eût été absolument étranger.


(7) Il n’y a que le saint homme qui puisse paraître ignorant et borné, lorsqu’il est arrivé au comble des lumières et du savoir. C’est ainsi qu’il conserve ses lumières, de même qu’un homme opulent conserve ses richesses en se faisant passer pour pauvre.


(8) Il est difficile de dire quel est le sujet de ces huit verbes sing-tchi 生之, etc. Suivant A, c’est le Tao, suivant B, c’est le saint homme (cf. ch. II) ; C, H croient qu’il faut les rapporter au ciel et à la terre. Pi-ching développe ainsi la pensée de B : Le saint homme produit les êtres comme s’il était leur père et leur mère ;il les nourrit comme s’ils étaient ses fils et ses neveux, etc. Tout cela n’est possible qu’à l’homme qui s’est identifié avec la Vertu profonde, c’est-à-dire, avec le Tao, ou qui possède une vertu profonde comme celle du Tao.

E : On commentateur pense que ces six membres de phrase se rapportent uniquement à celui qui gouverne le royaume.


(9) A : Il n’attend d’eux aucune récompense.


(10) B explique le mot tch’ang par « être placé au dessus des peuples. » D’autres interprètes (A, C) le rendent par yang ; « nourrir. »


(11) Li-si-tchaï : Wou-tsea-i-weï-tchou 無自以為主, « Il ne se regarde pas comme leur maître. »


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 10

Accorder le corps et l'âme
afin qu'ils voguent à l'unisson
et ne se séparent pas.
Concentrer sa force vitale
et la rendre docile
comme celle du nouveau-né.
Au-delà du réel,
scruter le miroir
poli par le regard de l'âme
et se laisser aspirer
par la lumineuse obscurité.
Ménager le peuple
sans intervenir.
Rester serein,
comme la femme,
lorsque s'ouvrent et se referment
les portes de l'existence.
Garder son ignorance
et voir les choses
dans leur lumière.
Donner la vie
et la protéger.
Produire sans s'approprier.
Agir sans rien attendre.
Diriger sans dominer.
Tel est le chemin
de la mystérieuse perfection.


MA KOU 1984 CHAPITRE 10

Peut-on par l’âme du corps
Embrasser l’âme de l’esprit
Et concevoir l’unité ?

Peut-on concentrer l’expir et l’inspir du souffle
Et le rendre aussi souple que celui du bébé ?

Peut-on purifier le miroir secret
Jusqu’à rendre le regard pur ?

Peut-on gouverner l’Etat et veiller sur le peuple
Par la pratique du non-agir ?

Lorsque les portes du vide (portes du ciel, invisibles, par où entrent et sortent les existences)
S’ouvrent et se ferment
Sait-on demeurer passif telle la femme ?

Pénétrer les quatre directions
Sans en rien savoir ?

Créer et développer,
Produire sans posséder,

Agir sans retenir,
Multiplier sans contraindre,
Ceci se nomme vertu mystérieuse.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 10

Maintenir le corps et l'âme sensitive dans l'unité, pour qu'ils ne puissent se séparer; contenir la force vitale et la rendre docile, afin de devenir comme le nouveau-né; se purifier en s'abstenant de scruter les mystères, pour rester sain; aimer le peuple afin de pouvoir gouverner sans agir; que les Portes du Ciel s'ouvrent ou se ferment, pouvoir être comme la femelle; étant inondé de lumière de tous cotés, pouvoir être ignorant; donner la vie, l'entretenir, produire sans s'approprier; agir sans rien escompter; diriger sans asservir. Telle est la Vertu merveilleuse.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 10

Faire que le corps, et l’âme spermatique, étroi­tement unis, ne se séparent pas.
S’appliquer à ce que l’air inspiré, converti en âme aérienne, anime ce composé, et le conserve intact comme l’enfant qui vient de naître.
S’abstenir des considérations trop profondes, pour ne pas s’user.
En fait d’amour du peuple et de sollicitude pour l’État, se borner à ne pas agir.
Laisser les portes du ciel s’ouvrir et se fermer, sans vouloir produire soi-même, sans s’ingérer.
Tout savoir, être informé de tout, et pourtant rester indifférent comme si on ne savait rien.
Produire, élever, sans faire sien ce qu’on a pro­duit, sans exiger de retour pour son action, sans s’imposer à ceux qu’on gouverne.
Voilà la formule de l’action transcendante.
L’homme a deux âmes, un double principe de vie. D’abord p’ai, l’âme issue du sperme paternel, principe de la genèse et du développement du fœtus dans le sein maternel. Plus cette âme tient étroitement au corps, plus le nouvel être est sain et solide. Après la naissance, l’absorption et la condensation de l’air ou produisent la seconde âme, l’âme aérien­ne, principe du développement ultérieur et sur­tout de la survivance. [] camp, terme analogue à [] coquille, le corps. [] et [] différents, pour le parallélisme, faire que. [] flexibilité, signifie ici vie, par opposition à la rigidité cadavérique. L’enfant nouveau-né, est, pour les Taoïstes, l’idéale perfection de la nature encore absolument intacte et sans aucun mélange. Plus tard cet en­fançon sera interprété comme un être transcen­dant intérieur, principe de la survivance. Voyez, sur son endogenèse, Tome 1. Introduction page 13. La maladie, les excès, affaiblissent l’union de l’âme spermatique avec le corps, amenant ainsi la maladie. L’étude, les soucis, usent l’âme aérienne, hâtant ainsi la mort. Entretien du composé corporel et de l’âme aérienne, par une bonne hygiène, le repos, l’aérothérapie ; voilà le pro­gramme de la vie du Taoïste. — Pour G, comparez chapitre 2 C D.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 10

Peut-on emplir la caserne d'âme et en arrêter une, sans la quitter ?

Le fils nouveau-né peut-il atteindre une vitalité unique en douceur ?

Peut-on laver et ôter l'obscurité du regard sans erreurs ?

Peut-on aimer le peuple et gouverner le pays sans savoir ?

L'oiselle peut-elle ouvrir et fermer l'accès au ciel ?

Peut-on pénétrer les quatre clartés blanches¹ sans agir ?

S'engendrer, se nourrir,

croître sans posséder,

agir sans en dépendre,

être durable sans être un fonctionnaire,

on dit justement que c'est la vertu obscure.

1. le brouillard

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 10

En te cramponnant avec ton âme spirituelle et ton âme

corporelle à l’unité, peux tu empêcher qu’elles se séparent

?

En concentrant ta respiration jusqu’à t’amollir, peux tu

devenir comme un nourrisson ?

En nettoyant ton miroir obscur, peux tu le rendre sans

tache ?

En aimant le peuple et en gouvernant l’État, peux tu être

sans action ?

En ouvrant et fermant les portes naturelles, peux tu être

une poule ?

En comprenant tout ce qui t’entoure, peux tu te passer de

connaissance ?

***

Le caractère tsai (41) qui ouvre ce chapitre est probablement une

particule qui devrait terminer le chapitre précédent ; il a été placé

ici par une faute de ponctuation, ancienne du reste car on la trouve

déjà dans une citation dans les Elégies de Tch’ou. Comme particule,

ce caractère est l’équivalent de tsai (42) et a le sens de yi (43) « finir

», final de phrase. Placé au début de ce chapitre, même si on pouvait

trouver une traduction satisfaisante, (le mot signifie « transporter

» ou « commencer »), il rompt le rythme qui est de quatre mots par

membre de phrase ; au contraire, il complète très bien la phrase finale

du chapitre précédent, qui compte seulement trois caractères et

selon le rythme, devrait en avoir quatre aussi. On pourrait objecter

que tao « Voie », à la fin de cette phrase, est une rime (voir Karlgren,

The poetical parts in Lao tsi, Göteborgs Högskolas Arsskrif, XXXVIII,

1932, p. 7) ; mais, dans la prononciation archaïque, tsai est [], qui

rime aussi de manière satisfaisante avec les rimes précédentes : []

[][][][]. Aussi, malgré les Élégies de Tch’ou, la correction me paraît

elle sûre. Le grand érudit Souen Yi-jang (1848 1908) est enclin à

l’approuver.

Ying (44), peut être un mot dialectal de Tch’ou, est expliqué par plusieurs

commentaires comme synonyme de houen (45), « âme spirituelle

».

Le chapitre se termine par cette phrase : « Produire et nourrir, produire

mais ne pas s’approprier, agir mais n’en tirer aucune assurance,

faire croître mais ne pas diriger, c’est là la vertu secrète. » Avec

l’addition des mots « produire et nourrir », c’est une répétition du

même passage dans LI, où il est beaucoup mieux à sa place. Aussi

l’ai-je omis ici, malgré Kao Heng, qui croit que le passage se rapporte

au Saint et doit être retenu. J’ai transporté les mots « produire et

nourrir » au chapitre LI.

Ce chapitre fait allusion à l’art d’entretenir la force vitale. Dans le

Tchouang tseu, XXIII, 3, on trouve cette pensée amplement élaborée

dans des termes si semblables qu’ils ont l’air de formules fixes.

« Lao tseu dit : « La règle fixe pour la préservation de la vie (est la sui

vante) : Peux tu te cramponner à l’unité ? Peux tu empêcher qu’elle se

perde ? Peux tu, sans divination, connaître le bonheur et le malheur

? Peux tu te tenir (au lieu propre) ? Peux tu cesser ? Peux tu renoncer

aux autres et chercher en toi-même ? Peux tu voler ? Peux tu être stupide

? Peux tu être un nourrisson ? Il crie toute la journée sans que sa

gorge s’enroue ; c’est qu’(en lui) l’harmonie naturelle est pleinement

développée. (Voir plus bas, ch. LV). Il serre le poing toute la journée

sans que sa main saisisse rien ; c’est que sa vertu (force spirituelle,

tö 46) n’a pas de préférence. Il regarde toute la journée sans que son

oeil cligne ; c’est qu’il n’est pas partial pour quoi que ce soit dans le

monde extérieur. Il marche sans savoir où il va ; il se repose sans

savoir ce qu’il fait. Il s’adonne à toute chose avec contentement et

suit la houle. Voilà la règle fixe pour la préservation de la vie.

Il faut rapprocher aussi, dans Tchouang tseu, XI, 3, un exposé de l’art

de la longévité : il faut « cramponner son esprit à la tranquillité ») de

sorte que « les yeux ne voient rien, les oreilles n’entendent rien, le

coeur ne comprenne rien. »

Si mon interprétation de ce passage est juste, l’âme spirituelle houen

et l’âme corporelle p’o (47) sont ici contrastées. La première est supposée

entrer dans le corps au moment de la naissance, la seconde au

moment de la conception. A la mort, le houen montait au ciel, tandis

que le p’o restait avec le corps dans la tombe et continuait d’y exister

jusqu’à la décomposition complète du corps. Empêcher ces deux de

se séparer, en embrassant l’unité, c’est à dire la Voie, signifie donc

posséder la longévité, n’être pas soumis à la mort. Pour l’expression

« se cramponner à l’unité », voir aussi XXXIX.

Le « souffle » est la force vitale : le contrôle de la respiration nous est

connu par le Tchouang tseu (ibid. VI, 2, Legge I, p. 238 : « L’homme

véritable respire par les talons ») et donna lieu à toute une technique

dans le Taoïsme, constituant un des moyens principaux d’acquérir

la longue vie. Ici il y a sans doute une allusion à ces pratiques. Pour

l’idée de « devenir comme un nourrisson », voir XXVIII et LV. Le «

miroir obscur » (ou : mystérieux) indique, semble t il, l’état de quiétisme,

comportant la faculté de bien discerner entre « l’être et le non

être » du ch. I.

Bien que le mot que je traduis par « miroir » signifie littéralement

« vision », la phraséologie est telle que je crois permis de songer à

l’image du miroir intérieur, image favorite de tous les mystiques.

L’article de M. P. Demiéville, intitulé « Le miroir spirituel » (Sinologica

1/2, 194 ;, pp. 112 137), où sont citées des expressions analogues

chez d’autres auteurs taoïstes, m’a confirmé dans cette opinion.

Ce qu’il faut entendre par « portes naturelles » (littéralement : «

portes célestes », mais l’expression « ciel » est souvent employée

au sens de « nature ») n’est pas du tout certain. Plusieurs commentaires

expliquent qu’il s’agit des « sens » ; voir aussi LII. Une autre

explication rattache l’expression à la phrase du Yi-king : (Legge, p.

372) yi-ho yi-p’i, (48) « se fermant et s’ouvrant alternativement »,

comme la terre et le ciel dans la transformation des choses, l’alternance

du Yin et du Yang. Cette explication est assez tentante : dans

l’alternance continuelle de la Voie, il faut rester passif comme une «

poule ». L’image de la poule vis à vis du coq reparaît dans XXVIII pour

exprimer l’idée de passivité. Je suis Yu Yue (1821 1906) qui, d’après

une inscription des T’ang, intervertit « peux tu être sans action » et «

peux tu te passer de connaissances », et lit wei (112) « être » au lieu

de wou (7) « ne pas avoir », avant « poule ».